Le ministre britannique des Affaires étrangères David Miliband a déclaré lundi qu’il demanderait le renvoi de Dostom à l’occasion de la conférence internationale sur l’Afghanistan organisée à Londres jeudi.
Abdul Rachid Dostom, 55 ans, seigneur de la guerre d’origine ouzbèke, ancien général de l’Afghanistan communiste coutumier des changements de camp, est précédé d’une réputation sulfureuse. Les autorités internationales lui reprochent des massacres sanglants et arbitraires pendant sa longue carrière militaire.
Les défenseurs des droits de l’Homme lui attribuent entre autres la responsabilité d’un massacre de 2.000 prisonniers talibans en 2001.
Le président Hamid Karzaï vient pourtant de le rétablir dans ses fonctions de chef d’état-major de l’armée afghane. Il était titulaire du poste jusqu’à ce qu’en 2008 il refuse de collaborer à une enquête sur la disparition d’un rival, et soit poussé vers la sortie.
Pour M. Karzaï, la promotion de Dostom a plusieurs avantages: le général, pas très regardant sur les méthodes, est un militaire d’expérience, et sa notoriété en fait un rabatteur dans la communauté ouzbèke d’Afghanistan.
Cette dépendance, soulignent ses opposants, illustre pourtant la difficulté du président afghan à rompre les liens qu’il entretient avec des seigneurs de la guerre, des liens indispensables pour quadriller tant bien que mal le terrain que lui disputent les talibans dans ce pays en guerre.
Au même titre que Londres, Washington est préoccupé par le retour du général Dostom. « Comme nous l’avons souligné à de multiples reprises dans le passé, les Etats-Unis sont inquiets de voir un rôle de premier plan, quel qu’il soit, dévolu à M. Dostom », explique la porte-parole de l’ambassade américaine à Kaboul, Caitlin Hayden.
Le personnage est aussi violemment contesté par certains de ses concitoyens.
« Le général Dostom rejoint un gouvernement qui souffre d’un manque de légitimité constitutionnelle » et qui « baigne dans la corruption et l’inefficacité », a attaqué cette semaine le Mouvement des droits en Afghanistan.
En faisant une place au général Dostom dans l’organigramme de l’Etat, « M. Karzaï ne peut pas envoyer un authentique message de paix à l’opposition armée » ni « convaincre les Afghans qu’ils vivent dans une société juste où leurs droits sont protégés par l’Etat », ajoute le mouvement indépendant.
La politique de main tendue à laquelle s’essaie M. Karzaï avec ses adversaires talibans pourrait en effet souffrir de la promotion de Dostom, qui a combattu ces mêmes talibans avec la méthode dure.
Noor Olhag Olomi, parlementaire de la région de Kandahar, estime que cette nomination est « une violation des droits de l’Homme » infligée aux Afghans victimes des exactions du général.
Dostom compte naturellement des partisans très engagés. C’est le cas de Massoud Ahmed Massoud, chef d’un mouvement de jeunesse dans la province de Jawzjan. « Nous sommes heureux de sa nomination. Nous sommes fiers de lui, il est l’homme qui a battu Al-Qaïda dans le nord de l’Afghanistan », dit-il.
Pour Ismail Manshi, proche allié de Dostom, les critiques à l’égard du général visent en fait la minorité ouzbèke (10% de la population, selon les estimations). « Il y a eu des centaines de disparus sous le régime taliban, des gens dont on ne sait pas ce qu’ils sont devenus. Les défenseurs des droits de l’Homme qui maudissent Dostom pour avoir tué des talibans devraient ouvrir une enquête sur tous ceux qui ont été impliqués dans ces tueries », avance-t-il