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 Comment les taliban ont repris l'offensive ( 2002/sept2006)

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olympique95
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Comment les taliban ont repris l'offensive ( 2002/sept2006) Empty
MessageSujet: Comment les taliban ont repris l'offensive ( 2002/sept2006)   Comment les taliban ont repris l'offensive ( 2002/sept2006) Icon_minitimeVen 12 Fév - 3:03

Par Syed Saleem Shahzad

Il y a trois ans, un commandant américain basé dans le sud-ouest de l’Afghanistan geo:lat=34.957995 geo:lon=68.90625geo évoqua l’hypothèse d’une offensive printanière contre les talibans dans son secteur. Cette simple allusion enflamma l’imagination du commandement taliban. Année après année, l’imminente offensive printanière alimenta des menaces, toujours plus violentes, de représailles contre les forces occidentales. Néanmoins, les années 2003, 2004 et 2005 s’écoulèrent sans la moindre trace de la fameuse offensive. Et ce sont finalement les talibans qui passèrent à l’attaque au printemps 2006.

Le commandement taliban du sud-ouest de l’Afghanistan a consacré la majeure partie de l’année 2005 à préparer la manœuvre. Des « sessions d’entraînement », animées par un groupe de combattants expérimentés issus de la résistance irakienne, servirent notamment à donner une nouvelle orientation à la stratégie de terreur devant être diffusée au Waziristan, région pakistanaise frontalière de l’Afghanistan constituée de districts tribaux et située dans le ventre mou de la « ligne Durand (1) ». C’est à l’intérieur des Waziristan sud et nord que les groupes pachtounes lourdement armés et la mosaïque des mercenaires arabes, ouzbeks, tchétchènes se sont regroupés depuis la chute de Kandahar, en décembre 2001, dans de petites bases rudimentaires.

L’offensive déclenchée au printemps 2006 vise moins un soulèvement général contre le gouvernement de M. Hamid Karzaï qu’une revitalisation des réseaux talibans dans le Sud-Ouest. Cependant, elle a nécessité le rassemblement et la mobilisation de factions apparemment disparates. Les résultats espérés par le mollah Mohammed Omar, guide suprême des talibans ? Porter un coup déterminant au moral des troupes de la puissante machine de guerre américaine et proclamer sa souveraineté sur le sud de l’Afghanistan ainsi que sur les zones tribales pakistanaises adjacentes ; en d’autres termes, préparer la voie pour un retour des talibans au rang de force régionale majeure.
Résurgence dans le Sud-Ouest

Entre 2002 et 2006, on a assisté à la résurgence progressive d’un pouvoir taliban dans le sud-ouest de l’Afghanistan. Dans le même temps, on pouvait constater une inefficacité croissante de la « réconciliation nationale » et de la tentative d’une coalition « ethnique » autour du gouvernement de M. Karzaï, à Kaboul. Celui-ci avait alerté les cercles militaires d’Islamabad du danger de voir les bases des talibans dans les zones tribales provoquer une transformation radicale de la topographie idéologique des Waziristan sud et nord, créant autour de la « ligne Durand » un déséquilibre dont les talibans renaissants ne manqueraient pas de profiter.

La proclamation du commandement central des talibans à la frontière du Sud-Ouest, selon laquelle trois cent mille militants se tenaient prêts à répondre à un ordre du mollah Omar, était probablement très exagérée dans le contexte de l’Afghanistan post-taliban, repris en main par le gouvernement Karzaï. En revanche, quelques milliers de talibans, épaulés par quelques contingents ouzbeks, tchétchènes, ouïgours, chinois ou arabes, embusqués dans les montagnes du Waziristan, pouvaient avoir un impact déterminant. Ils pouvaient habilement mobiliser de larges pans de la population tribale au service de leurs objectifs politiques et militaires.

Le cœur du soutien aux talibans dans les deux Waziristan était celui des Waziris, décrits comme les « loups » par les observateurs militaires du « Grand Jeu » (2) d’il y a cent ans. Leurs rivaux traditionnels, les Meshud (les « panthères » du « Grand Jeu »), s’étaient attiré la bienveillance de l’armée pakistanaise dans le but de prévenir tout déséquilibre en faveur de leurs ennemis waziris. Après une incursion sanglante au Waziristan en 2004, qui causa la mort de nombreux membres de la tribu Meshud, celle-ci dénonça son alliance avec le Pakistan, prenant fait et cause pour les talibans. Deux saisons d’une dure occupation militaire amenèrent les paisibles Dawar — traditionnellement plus portés sur les métiers de commerçant ou de vendeur — à développer une hostilité aiguë à l’encontre du Pakistan. Fin 2005, toutes les tribus du Waziristan avaient retourné leurs alliances en faveur des talibans.
Une nouvelle génération de djihadistes

Entre-temps, la plupart des combattants arabes et leur famille étaient retournés dans leur pays d’origine, et nombre de membres d’Al-Qaida s’installèrent dans les fourmillantes cités pakistanaises. De là, ils pouvaient continuer à mener leur guerre contre les Etats-Unis et leurs alliés pakistanais.

Les années qui précédèrent l’offensive du printemps 2006 furent marquées par la croissance de deux organisations émanant d’Al-Qaida, des factions pakistanaises et afghanes ayant fui l’Afghanistan ensemble. Leur but était d’organiser une nouvelle offensive. La première s’appelait Jaishul al-Qiba al-Jihadi al-Siri al-Alami (« Armée secrète du djihad international »), et se consacrait à l’entraînement et à l’endoctrinement d’une nouvelle génération de djihadistes dans la région. Le Jaishul al-Qiba entraînait des Afghans et des étrangers déjà présents sur le territoire, en plus des membres des tribus du Waziristan.

La seconde organisation révolutionnaire, établie au Waziristan sud, était appelée Jundullah (« l’Armée de Dieu »). Elle devait entraîner des militants originaires du Waziristan, mais souhaitant frapper le Pakistan. Jundullah connut une fin abrupte, après qu’elle eut planifié l’assassinat d’un haut gradé pakistanais à Karachi. Le coup ayant échoué, le commandement de Jundullah fut vite découvert et massivement arrêté. A la mi-2003, une série d’opérations militaires dans le Waziristan sud détruisirent la structure de Jaishul al-Qiba.

Ces deux organisations, malgré leur faillite rapide, étaient parvenues à distiller la dose adéquate d’enseignement idéologique et militaire pour former une nouvelle génération de djihadistes. De fait, les membres issus de ces organisations monopoliseront les postes de commandement dans les groupes protalibans renaissants dans la région.
Rupture avec Al-Qaida

Dès la fin 2002, Washington avait acquis une idée claire de ce qu’étaient les talibans et Al-Qaida. Il avait compris que la défaite des talibans correspondait plutôt à un repli sur le Waziristan afin de préparer une offensive future. En 2003, les projecteurs étaient donc braqués sur la région, et les activités des factions talibanes surveillées de près par la CIA. Dans les échanges entre la CIA et les services pakistanais (ISI), la présence d’agents d’Al-Qaida était régulièrement signalée. Washington fit donc pression sur Karachi, poussant son allié à lancer une vaste offensive dans le sud du Waziristan.

Une série d’opérations militaires massives, suivies de près par la CIA et destinées à la destruction des infrastructures protalibans, commencèrent en août 2003. Elles visaient également à purger le Waziristan sud des factions protalibans, ce en quoi elles échouèrent. Quoi qu’il en soit, elles firent voler en éclats la structure organisationnelle des talibans et les éparpillèrent. Une impressionnante chasse aux factions protalibans entama sérieusement leur capacité à mener une quelconque action, comme celles des printemps 2004 et 2005, au cours desquelles les talibans affrontèrent la coalition avec trois ou quatre mille soldats, tournant désespérément leurs regards vers les deux Waziristan dans l’espoir d’obtenir des renforts. Des barrages militaires coupaient toutes les lignes de communication entre les différents groupes talibans du Waziristan sud et le commandement taliban en Afghanistan. Le manque de communication posa de nombreux problèmes. De cette période date une rupture idéologique et tactique entre les groupes protalibans et les membres d’Al-Qaida.

Les opérations militaires mirent également en échec Al-Qaeda. Des dizaines de ses combattants furent détenus au secret au quartier général du Waziristan sud, ou arrêtés dans leur fuite. Beaucoup de groupes durent se cacher dans les montagnes pendant de longs mois. Ses deux principaux idéologues, MM. Oussama Ben Laden et Ayman Al-Zawahiri trouvèrent refuge dans les vallées de Shawal, situées au carrefour de l’Afghanistan, du Waziristan sud et du Waziristan nord, dont la ville fait administrativement partie. Leur isolement, avec quelques centaines de leurs plus fervents partisans, sans possibilité de communiquer avec leurs autres bases et avec le commandement taliban, donna de l’importance à d’autres personnages, qui n’en avaient guère auparavant, comme M. Cheik Essa, un Egyptien respecté pour ses connaissances théologiques mais ignorant tout de la tactique militaire.

La situation militaire força M. Essa à migrer avec quelques dizaines d’hommes vers le Waziristan nord. Rapidement, nombre de groupes protalibans vinrent se placer sous son autorité. MM. Abdul Khaliq et Sadiq Noor, deux importants chefs religieux, se joignirent à lui. Ce fut pour lui une occasion de détourner les groupes pro-talibans de la lutte contre les Américains, afin d’appliquer son credo « Takfeeri » (selon lequel tous les musulmans non-pratiquants sont des infidèles), et par conséquent d’engager une guerre sans merci contre le gouvernement pakistanais et ses forces armées. Il alla même jusqu’à qualifier d’infidèles ceux qui partaient affronter les américains en Afghanistan, affirmant que la vraie lutte devait avoir lieu au Pakistan. Ses partisans lancèrent une campagne redoutable contre le Pakistan.

Une importante partie des forces protalibans était alors sous le contrôle de l’Ouzbek Tahir Yaldshiv, personnalité extrémiste et controversée qui commandait à une armée de plusieurs milliers de ses compatriotes. M. Yaldshiv était au sud, tandis que beaucoup de ses hommes restaient à Mir Ali, une ville du Waziristan nord. Ceux du Nord prirent leurs distances. De toute manière, plus préoccupé par ce qui se passait en Ouzbékistan qu’en Afghanistan, M. Yaldshiv trouva un soutien de poids en la personne de M. Abdullah Mehsud, un puissant chef local du Waziristan sud. Arrêté et envoyé au camp de Guantánamo, celui-ci en ressortit en 2004 ; unijambiste à la suite de combats aux côtés des talibans dans les années 1990, M. Mehsud reprit le commandement des opérations au Pakistan. En 2005, après un accrochage avec l’armée pakistanaise, il échappa de peu à une arrestation et fut gravement blessé. On le crut mort, mais il réapparut au Waziristan sud, aux côtés de M. Yaldshiv.

Enfin, les fils du légendaire chef afghan Jalaluddin Haqqani, Sirajuluddin dans le nord du Waziristan, Baitullah et Haji Omar dans le sud, représentaient le mollah Omar. Avec leurs quelques milliers d’hommes, ils restaient très impliqués dans la résistance en Afghanistan.

En 2005, des opérations militaires eurent lieu aussi dans le Nord. Les groupes protalibans furent forcés de se cacher là où ils pouvaient, dans une ceinture autour de la « ligne Durand ». Les mouvements djihadistes investirent les montagnes de Birmal, dans la province afghane de Paktia, à Shawal, au Waziristan nord, ainsi qu’à Shakaï et Angor Ada au sud, là où l’armée pakistanaise pouvait difficilement venir les déloger.
Répliques de l’expérience irakienne

Des contacts intenses entre les groupes protalibans et la résistance irakienne permirent le partage de l’expérience de la guérilla de 2005. La bombe à retardement et d’autres techniques éprouvées furent importées d’Irak et appliquées à l’armée pakistanaise, qui limita ensuite sa présence aux chefs-lieux des deux Waziristan. Pour les djihadistes, ce cantonnement fut considéré comme une victoire. Cela donna aux miliciens la possibilité de parcourir la région pour détruire toutes les alliances du gouvernement pakistanais au sein des tribus. Fin 2005, des djihadistes adolescents paradaient dans les rues du Waziristan ; les adultes ou les religieux favorables au gouvernement étaient tués ou forcés de fuir.

Suite à une sécession provoquée par un chef afghan, M. Hakim Khan Zadran, un violent affrontement eut lieu avec les pro-talibans du Waziristan nord. Ces derniers eurent gain de cause, et on exécuta les sécessionnistes. Les corps sans tête et les têtes sans corps furent exposés à Dand-i-Darpa Khel afin d’impressionner les groupes protalibans, qui s’appelèrent dès lors les « talibans pakistanais ». Rapidement, la structure tribale centenaire s’effondra, et les talibans pakistanais proclamèrent l’Etat islamique du Waziristan nord. Des appels à soutien furent lancés tous azimuts. En quelques jours, les anciens djihadistes oisifs quittèrent leurs camps du Cachemire et rejoignirent les talibans pakistanais par centaines. Les talibans affluèrent dans la capitale du Waziristan, Miramshah. Les forces de sécurité pakistanaises quittèrent les lieux et informèrent Peshawar que, sans soutien aérien, elles ne feraient pas le poids.

L’armée pakistanaise mobilisa toute sa puissance pour écraser les talibans pakistanais ; mais les rebelles firent immédiatement retraite dans les montagnes. Pendant ce temps, dans le Waziristan sud voisin, les talibans pakistanais établissaient leurs cours de justice, leur police, leur système d’impôts. Les forces de sécurité pakistanaises, après l’amère expérience du Waziristan nord, décidèrent de ne rien faire, et de laisser les talibans pakistanais construire leur Etat.

Dans le même temps, les nouvelles des deux nouveaux Etats du Waziristan se répandaient partout. Près de dix mille djihadistes de Karachi, Lahore, Quetta, Peshawar, Bannu, Mardan, rallièrent le Waziristan nord. En plus des activistes locaux (environ douze mille), se rassemblaient trois mille Afghans et deux mille combattants étrangers, parmi lesquels des Ouzbeks, des Tchétchènes, des Ouigours, et un petit nombre d’Arabes. La plupart des factions talibanes étaient composées de locaux, avec quelques centaines d’Ouzbeks et quelques dizaines d’Arabes. Les forces totales s’élevaient au Waziristan sud à environ treize mille hommes, pour vingt-sept mille au Nord.
Le tournant du printemps 2006

L’offensive du printemps 2006 a été lancée en avril, alors que la plupart des combattants au Waziristan étaient occupés à combattre les forces pakistanaises. Cependant, sans le renfort de ces quarante mille hommes motivés et bien entraînés, le succès de l’offensive demeurait très incertain. Le bruit commença à se répandre selon lequel l’« offensive 2006 » tant vantée allait connaître la même fin prématurée que les autres, et mettre un terme aux rêves de résurrection d’un royaume taliban dans le sud de l’Afghanistan.

Fin mai, pourtant, une visite apparemment anodine d’un émissaire du commandement taliban dans les bases du Waziristan allait changer radicalement l’état des rapports de forces locaux : celle du mollah Dadullah, un commandant d’une quarantaine d’années, unijambiste doté d’un sens avisé de la diplomatie. Avec sa barbe broussailleuse, il est le chef militaire le plus craint de la région. Sa mission était de convaincre toutes les factions d’abandonner les autres luttes, et de se joindre aux talibans en Afghanistan.

Originaire de la province de Helmand, près de Kandahar, le mollah Dadullah reçut, en 1994, un enseignement islamiste rigoureux, à Quetta (capitale du Baloutchistan, la plus grande province occidentale du Pakistan). Il rejoignit très tôt le mouvement taliban, alors que ce dernier n’en était qu’à ses balbutiements. Blessé sur le front de Maydan Sher, près de Kaboul, il fut amputé d’une jambe. En reconnaissance des services rendus, il fut choisi pour être l’un des chefs du front nord, avec à peu près douze mille hommes sous son commandement. A la fin des années 1990, il infligea, à Kunduz, une sévère défaite aux combattants expérimentés du Hezb-e-Islami Afghanistan (HIA) menés par l’ancien premier ministre à poigne Gulbuddin Hekmatyar (3).

Lors de la prise de Kaboul par les talibans, certains observateurs crurent un temps qu’il était un agent dissimulé du commandant Ahmad Chah Massoud, mais furent obligés de réviser leur jugement après qu’il eut infligé à celui-ci de sévères défaites dans la dernière année du gouvernement taliban. Lors de l’invasion par les forces du Nord et leurs alliés occidentaux, il se retrancha dans la forteresse assiégée de Kunduz. Pendant ce temps-là, plusieurs capitaines talibans négociaient avec le seigneur de guerre ouzbek Rachid Dostom un passage sûr pour leurs forces bloquées au Nord. M. Dostom trahit nombre d’entre eux en les livrant aux Américains, et certains moisissent encore dans les geôles du camp de Guantánamo. Le mollah Dadullah, lui, réussit à s’échapper de Kunduz grâce à une manœuvre audacieuse : il enleva l’un des commandants de Dostom, l’utilisant comme bouclier humain et ne le relâchant qu’en échange de la sûreté de Kandahar. Durant les trois années qui suivirent, il organisa une série d’opérations féroces et mena l’incessante guerre de harcèlement des talibans sur le front sud. La nomination en tant qu’envoyé spécial au Waziristan fut la dernière étape de son ascension rapide au sein de la hiérarchie talibane, et les résultats ne tardèrent pas à justifier la confiance placée par le mollah Omar dans l’habileté diplomatique de son protégé. C’est donc tout à fait logiquement qu’en 2005 il joue un rôle décisif dans la préparation de l’offensive des talibans.

Tout au long de l’année 2005, ceux-ci se sont appliqués à restaurer leurs relations avec différents éléments du pouvoir à Kaboul – ostensiblement alliés des Etats-Unis ou tout du moins dissidents loyaux. De nouveaux émissaires furent envoyés aux « seigneurs de la guerre » semi-autonomes. Par-dessus tout, d’importants contacts stratégiques furent tissés avec deux importantes factions parmi les groupes de moudjahidins qui avaient bouté l’armée soviétique hors d’Afghanistan. La première faction, Hezb-e-Islami, dirigée par M. Hekmatyar. La seconde, aux ordres de l’ultraorthodoxe mollah Mohammed Younès Khalid.

Compte tenu de l’hostilité qui régnait entre les deux factions, l’obtention de leur soutien dans le cadre d’une alliance anti-Karzaï fut une grande réussite pour la nouvelle diplomatie des talibans. Un pas de plus vers le succès fut franchi en obtenant des commandants pachtounes ainsi que de leurs équivalents ouzbeks ou tadjiks qu’ils synchronisent leurs actions avec les forces renaissantes des talibans dans le Sud-Ouest.

Lors de son passage dans les deux Waziristan, le mollah Dadullah distribua la copie d’une lettre du mollah Omar : « Arrêtez immédiatement les combats contre les forces pakistanaises (4). C’est une entreprise chaotique qui ne peut être confondue avec le vrai djihad islamique. Le djihad a été lancé en Afghanistan ; par conséquent, rejoignez-nous en Afghanistan pour combattre les Américains et leurs alliés infidèles. » Le mollah Omar ayant toujours joui d’une grande influence sur les groupes protalibans, quels qu’ils soient, tous s’inclinèrent. Les vingt-sept mille hommes du Nord et les treize mille du Sud annoncèrent un cessez-le-feu avec l’armée pakistanaise. Les groupes talibans se massèrent dans les villes de Shawal et Birmal, dans les montagnes de Ghulam Khan au Nord, et Shakai au Sud.

Le mollah Dadullah exploita au mieux sa visite. En mars 2006, une délégation de trois personnes fut envoyée en Afghanistan par Abou Moussab Al-Zarkaoui (leader d’Al-Qaida en Irak), où elle rencontra MM. Oussama Ben Laden, Ayman Al-Zawahiri et le mollah Omar. Ces hommes reconnaissaient ce dernier comme le chef de la résistance en Irak et en Afghanistan.

La délégation se servit de matériel vidéo pour justifier les attentats-suicides. La très pratiquante société afghane considère en général le suicide comme un péché. Si l’on a pu voir, dans le passé, quelques kamikazes isolés se sacrifier, ce mode d’action n’est jamais devenu courant dans le pays. Pour généraliser cette pratique, le mollah Dadullah utilisa donc des dizaines de vidéos montrant comment la résistance irakienne s’en servait avec efficacité. Il parvint à convaincre les groupes du Waziristan, du Tadjikistan, d’Ouzbékistan et de diverses villes du Pakistan.

Une première équipe de quatre cent cinquante membres fut constituée dans la vallée de la Kunar, parmi lesquels soixante-dix femmes, qui venaient pour la plupart de pays arabes ou d’Asie centrale. Certaines avaient eu des parents tués en Afghanistan ou au Waziristan ; d’autres ont été incitées à combattre par leur mari ou leur père. D’autres suivirent...
L’ascension tardive du commandant Haqqani

Dans le même temps, les talibans commençaient à attaquer sporadiquement avec leurs quelques milliers d’hommes dispersés, en s’alliant avec des seigneurs de la guerre dans tout l’Afghanistan. Le renfort de quarante mille hommes venus du Waziristan apporta un appui considérable à l’offensive printanière, placée sous le commandement expérimenté du vétéran Jalaluddin Haqqani. La stratégie choisie visait à déstabiliser le gouvernement à Kaboul au nord, avant même d’avoir pris le contrôle du sud.

Les Afghans se souviennent de la chute de Khost en 1991, et attribuent cette victoire à M. Haqqani et aux djihadistes pendjabis. Petit et maigre, le commandant Haqqani détient un record de victoires sur les troupes soviétiques ; celle de Matun, en 1991, s’avéra être la pierre de touche de l’effondrement russe et de la prise de contrôle de Kaboul par les moudjahidins en 1992. Pour combattre la coalition, les Pendjabis constituent une fois encore la force d’appoint du commandant Haqqani. Bien qu’il soit l’un des meneurs d’hommes les plus compétents, il a toujours été négligé par le mollah Omar : il n’est pas taliban, et il a connu un échec contre l’Alliance du nord à la fin des années 1990. Lorsque les talibans émergèrent en 1994, il fut le seul à offrir inconditionnellement la reddition de son fief, Khost ; mais il ne faisait aucunement partie du mouvement, ce qui lui valu d’être rejeté. Sous le régime taliban (1996-2001), il fut ministre des frontières et ne fut jamais consulté pour les affaires politiques.

Lors de la retraite de 2001, M. Haqqani conseilla de conserver les villes de Khost, Paktia et Paktika, pour mieux résister à l’armée américaine, mais il ne fut pas entendu. Malgré cela, il est resté loyal au mollah Omar, même lorsque le Pakistan et les Etats-Unis l’ont invité à Islamabad afin de monter un groupe de talibans modérés pouvant renverser le mollah Omar. Il a offert à tous les combattants fuyant Kaboul, Tora Bora ou ailleurs un refuge dans son sanctuaire du Waziristan nord. Il accueillit ceux qui voulaient rester avec lui, et aida les autres à poursuivre leur route. A l’occasion de l’offensive de 2006, le mollah Omar se rendit à l’évidence de la compétence de M. Haqqani, et lui laissa carte blanche. Le commandant Haqqani est donc aujourd’hui, après le mollah Omar, la personnalité la plus importante d’Afghanistan. Il disposait déjà de quelques milliers d’hommes entre Khost et le Waziristan nord, mais il en a eu bien plus après avoir reçu le commandement de l’offensive. Il a à présent les coudées franches.

Il se teint les cheveux pour avoir l’air plus jeune et plus résistant. Il a des contacts dans tout l’Afghanistan, qu’ils soient ouzbeks, tadjiks ou pachtounes. Il envoya de nombreuses jeunes recrues à des chefs de guerre locaux, nontalibans la plupart du temps (ceux des provinces de Herat, de Logar et de Lahgman). Toutes ces provinces constituaient les maillons faibles du réseau taliban. M. Haqqani y négocia la présence de sanctuaires pour ses hommes, moyennant quoi de grosses sommes seraient versées aux seigneurs locaux. Il forma des groupes de combattants et les envoya sur les zones frontalières de Kandahar, Helmand, Paktia et Paktika, où ils devraient engager des combattants locaux pour une guerre de harcèlement. Les groupes envoyés par M. Haqqani ne devaient opérer que par attentats-suicides, et uniquement contre les forces de la coalition.
Une coalition cantonnée aux villes

Un commandement à dix a été établi, chacun de ses membres étant responsable d’une région. Le mollah Omar conserve le contrôle de l’ensemble par le biais d’un émissaire permanent (son ancien ministre de la défense, le mollah Obaidullah Akhund). Le mollah Dadullah est chargé de saper tous les appuis du gouvernement au Sud. M. Haqqani, lui, a pour mission d’employer un degré de terreur suffisant pour faire tomber le gouvernement Karzaï avant même l’arrivée des talibans.

En juin et juillet, les talibans semblent avancer profondément de Kaboul à Kandahar ; les attentats-suicides sèment un trouble extrême, mettant les nerfs de la coalition à vif. Cette dernière confine ses actions à l’intérieur des grandes villes. C’est ce qu’attendaient les talibans depuis 2003. Entrant en scène dans le sud-ouest de l’Afghanistan, le mollah Dadullah occupe de nombreux districts des provinces de Kandahar, Uruzgan, Zabul et Helmand, et en expulse l’administration. Un signe pour leurs sympathisants que les talibans sont de retour. Le soutien local s’en trouve revivifié. De son côté, M. Haqqani délègue ses pouvoirs dans la province bien tenue de Paktia et confie à l’ancien gouverneur taliban (le mollah Abdul Kabir) la gestion de la province de Nangarhar. Ce dernier n’a rien d’un chef de guerre, mais M. Haqqani le cornaque si bien qu’il remporte de faciles victoires. Les seigneurs locaux loyaux à M. Haqqani et la fidélité des Pendjabis constituent l’arme la plus redoutable des talibans.

Une nouvelle stratégie est maintenant appliquée. Dès que l’aviation américaine entre en action, un retrait dans des zones sûres est opéré. Puis, lorsque les armées de la coalition interviennent, épaulées par des forces afghanes, des bombes dissimulées ainsi que des attentats-suicides infligent des pertes que la coalition n’avait pas connues depuis la défaite des talibans en 2001.

A l’est de l’Afghanistan, la situation est différente. Les pays de Kunar et du Nurestan, toujours hostiles aux invasions étrangères (les Russes n’avaient pas pu occuper le Nurestan), ne constituaient cependant pas des terrains fertiles pour la propagande des talibans. La majorité de la population de Kunar et du Nurestan est salafiste, ce qui est diamétralement opposé à l’école de pensée hanafite (5) des talibans. La plupart ont fait allégeance au cheik Jameelur Rehman, ou à M. Hekmatyar, ou encore au commandant Ahmed chah Massoud.

Le chef le plus puissant, M. Kashmir Khan, était fidèle à M. Hekmatyar et avait toujours suscité la méfiance des talibans. Lorsque ce dernier rentra d’Iran, M. Khan mena bataille contre la coalition mais de façon isolée, puisque les talibans ne lui faisaient pas confiance et qu’il n’était pas désireux de les rejoindre. Grâce à ses intermédiaires, M. Haqqani est cependant parvenu à installer à Kunar le commandant Mohammed Ismaël, dans un refuge où il abrite des Afghans, des Tchétchènes et des Arabes. Les talibans limitent leurs actions aux attentats-suicides et aux plastiquages, avec quelques actions sporadiques de guérilla contre la coalition.

Le pic de l’offensive est encore à venir dans le sud-ouest de l’Afghanistan, a annoncé l’un des membres du conseil du mollah Omar et commandant taliban, le mollah Gul Mohamed Jangvi, interviewé sur la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan. Sous le gouvernement taliban, celui-ci avait commandé Pul-i-Kumri, et il dirigeait désormais Argun, Qalat et Kandahar. Il fut livré en 2003 à l’armée américaine ; il fut torturé à la base de Bagram, puis on le força à intégrer les Jaishul Muslim, un groupe monté par l’occupant américain dans le but de contrer le mollah Omar. Mais, peu après l’élargissement du mollah Gul Mohamed, le Jaishul Muslim fut dissous, tandis que le mollah rejoignait les talibans avec plus de mille cinq cents hommes. Il est aujourd’hui l’un des principaux chefs talibans, particulièrement influent dans la région de Qalat.
Des réseaux dormants

Selon M. Jangvi, la tâche actuelle des talibans est double : primo, détruire les bases américaines, et, par ce biais, la suprématie aérienne américaine, qui seule leur permet d’atteindre véritablement les talibans ; secundo, réveiller les cellules dormantes des talibans. Il poursuit en expliquant que les talibans ont commencé avec dix commandants, mais que ce nombre augmente au rythme de la reconquête. Dès que les talibans retournent dans un village, ils rétablissent leurs anciens réseaux : « Pour le moment, tout ce que je peux dire est que nous avons des commandants dans toutes les provinces afghanes. Nous n’avions pas ce réseau l’an passé. Chaque succès apporte un peu plus de force et, dans les jours à venir, le réseau taliban s’étendra à l’échelle du district et du village. Cela signifiera que nous avons retrouvé notre ancienne puissance, soit trois cent mille hommes dans tout le pays. » Ce chiffre fait référence à ceux qui, sous le régime taliban, étaient policiers, militaires et membres de l’appareil répressif, et qui, après la chute des talibans, se sont évaporés dans la population.

A la mi-juillet, il apparaît que les talibans ont réussi leur pari au sud de l’Afghanistan, où ils s’emparent tous les jours de nouveaux districts (Musa Kila, Sagin, Panjwai…). Les forces de la coalition peuvent certes reprendre ces positions. Mais ce jeu de cache-cache ne saurait durer longtemps. Les talibans pensent pouvoir raisonnablement compter sur une occupation du Sud-Ouest bien avant l’hiver…

Syed Saleem Shahzad
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