samedi 21 mai 2005
Le président afghan Karzai hausse le ton à propos des tortures américaines
KABOUL (AFP) - En partance pour Washington, le président afghan Hamid Karzai a haussé le ton samedi contre les Etats-Unis à propos des tortures de prisonniers afghans par des soldats américains, et demandé justice, au moment où les violences se multiplient à travers l'Afghanistan.
M. Karzai s'est envolé dans la journée pour les Etats-Unis, pour une visite de quatre jours marquée par des entretiens avec le président George W. Bush, lundi, le vice-président Dick Cheney et la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice.
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Mais avant d'embarquer, il a élevé la voix d'une manière inabituelle vis-à-vis de Washington, pourtant son principal soutien, après la publication de nouvelles informations accréditant très sérieusement plusieurs homicides et tortures de prisonniers afghans par des soldats américains en Afhanistan.
Hamid Karzai a réclamé aux Etats-unis qu'ils prennent des "mesures claires et fortes" contre les coupables, et qu'ils fassent en sorte de "renvoyer d'Afghanistan" ceux qui s'y trouveraient encore, après la publication, la veille, d'une enquête très détaillée du New York Times.
"Cela m'a profondément choqué", a déclaré le président afghan, en assurant qu'il soulèverait ce problème lundi devant George W. Bush.
La demande de justice du président afghan semble avoir peu de chance d'être entendue: si l'armée américaine a reconnu en décembre que huit de ses prisonniers en Afghanistan étaient décédés en détention depuis 2001, aucune des enquêtes diligentées sur le sujet n'a abouti à la moindre sanction jusqu'ici.
Pour M. Karzai, ces révélations rendent d'autant plus légitime une autre demandé répétée du gouvernement afghan: que l'armée américaine lui transfère "tous les prisonniers afghans de Bagram, Guantanamo ou d'autres lieux", et l'aide "à construire des prisons pour les garder", a-t-il expliqué.
M. Karzai a enfin de nouveau réclamé à l'armée américaine l'arrêt des fouilles de maisons afghanes et des arrestations arbitraires, que l'armée afghane pourrait faire à leur place selon lui.
M. Karzai se devait en effet de réagir face à l'indignation suscitée au sein de la population afghane par certaines pratiques, présumées ou avérées, de l'armée américaine.
Outre les tortures et homicides de prisonniers et les bombardements et opérations fatals à plusieurs civils afghans ces dernières semaines, les profanations présumées du Coran par des soldats de Guantanamo ont récemment déclenché une flambée de violentes manifestations (15 morts) dans le pays.
Mais le président afghan sait également que les Etats-Unis, qui ont tout fait pour le porter au pouvoir après avoir chassé les talibans, restent incontournable dans son pays, où ils dirigent la première force militaire (18.000 hommes, à 90% Américains) et restent, de loin, le plus gros contributeur financier à la reconstruction et au budget du gouvernement.
Il sait également que l'armée américaine, qui ne rend guère de comptes qu'à Washington, assure une grande partie de la sécurité du pays alors que l'efficacité de l'armée afghane, récemment formée, reste à démontrer.
A Washington, M. Karzai oscillera ainsi entre revendications et espoirs que Washington souscrira à son concept, encore vague, de "partenariat stratégique" de long terme entre les deux pays, à un moment où l'Afghanistan reste menacé par d'incessantes violences.
Samedi, l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) s'est ainsi inquiétée de "la forte détérioration de la sécurité ces dernières semaines" en Afghanistan, entre les attaques de rebelles, les manifestations et les règlements de comptes entre chefs de guerre.
Quant à Clementina Cantoni, une coopérante italienne kidnappée lundi soir à Kaboul, M. Karzai a indiqué continuer à travailler à sa la libération "pour le bien de l'Afghanistan, de l'Italie et l'aide internationale à l'Afghanistan", alors que son ravisseur présumé a confirmé samedi qu'elle était en vie.