mardi 8 novembre 2005
Le premier hôtel cinq étoiles d'Afghanistan ouvre ses portes à Kaboul
KABOUL (AP) - Si l'Afghanistan continue d'être en proie à l'insurrection dans les montagnes, Kaboul vit pour sa part un véritable boom de la construction, financé par l'aide internationale massive, mais aussi par les profits du trafic d'héroïne. Dernier exemple en date de ce nouveau visage d'une capitale hier poussiéreuse et en ruines, l'ouverture d'un hôtel de luxe.
Mardi, le président Hamid Karzaï a inauguré le premier cinq étoiles du pays, le Kabul Serena, reconstruit et géré par la Fondation philanthropique de l'Aga Khan, chef spirituel des 20 millions de musulmans ismaéliens de la planète.
Pourtant, quatre ans après la chute des talibans, malgré ce nouvel hôtel, ou le centre commercial ultra-moderne adjacent, Kaboul et ses quatre millions d'habitants n'ont toujours l'électricité que quelques heures par jour, la majorité de la population vit dans des maisons modestes en torchis et tire l'eau de puits parfois contaminés.
Le Serena, lui, compte 177 chambres qui se louent entre 250 dollars et 1.015 dollars la nuit, une véritable fortune dans un pays où le salaire moyen d'un fonctionnaire est de 50 dollars...
Pour l'Aga Khan, cet hôtel pour hommes d'affaires fortunés est un atout pour la croissance: "un hôtel cinq étoiles à Kaboul vise à aider l'économie nationale (...) pour permettre d'héberger un grand nombre de personnes qui auront un impact majeur sur l'économie.
L'hôtel emploie 360 Afghans, dont 20% de femmes.
Avec sa piscine et son club de fitness, son salon de thé et ses deux restaurants, le Kaboul Serena choque dans le paysage. Devant l'entrée, des handicapés et des enfants en haillons se font concurrence pour mendier. Et à 300 mètres, on trouve le bidonville de Mourad Khani, où des milliers de personnes s'entassent dans des baraques au milieu desquelles les égouts se déversent.
Une situation dénoncée par Anna Cestari, de Habitat, l'agence onusienne pour le développement urbain, qui critique les projets de construction somptuaires aux dépends des "projets pour les pauvres, logements et services".
Quant au nouveau centre commercial, le Kaboul City Center, il a un succès fou. Depuis son ouverture, les Kaboulis s'y bousculent chaque week-end, s'émerveillant devant les escalators et ascenseurs rutilants.
"Je suis impressionné par ces escaliers qui bougent", raconte Ahmad Jan, tailleur de 23 ans, originaire de Gardez dans l'est. "Il fallait que je voie ce bâtiment. C'est tellement beau".
Mais la frénésie bâtisseuse de Kaboul s'emploie aussi ailleurs. Des dons venus d'Inde ont permis la reconstruction du Lycée Habiba, où pendant 50 ans fut formée l'élite du pays, Karzaï y compris. Le lycée avait été détruit lors des combats du début des années 90. Un peu plus loin, on creuse les fondations du nouveau bâtiment du parlement.
Des banlieues entières de nouvelles maisons ont poussé comme des champignons, bon nombre appartenant à d'anciens seigneurs de la guerre ou à ceux dont on attribue la richesse au plus florissant des commerces afghans, celui de l'opium et de l'héroïne.
Et, avec les centaines d'ONG et autres agences étrangères ayant désespérément besoin de locaux, les loyers sont élevés. Il faut débourser 5.000 dollars pour une maison tout à fait normale à Wazir Akbar Khan, l'une des banlieues les plus chères.