Salam
Sommes nous tous les cobayes de l'industrie de la téléphonie mobile ? Cette question ne figure pas dans la thèse défendue avec brio, ce lundi, par Dirk Adang, à l'école polytechnique de l'Université catholique de Louvain (UCL). Mais les résultats de la recherche lancée en 2002 par ce nouveau docteur en sciences appliquées ne manqueront pas d'éveiller le plus haut intérêt des usagers, des pouvoirs publics et de l'industrie à une époque où les technologies sans fil pullulent.
« L'Organisation mondiale de la Santé préconise davantage de recherches à long terme à basse puissance, remarque le chercheur. L'étude épidémiologique de l'impact des ondes électromagnétiques sur la santé humaine nécessite d'attendre jusqu'en 2015 si l'on considère l'explosion de la téléphonie mobile à partir de 1998. Vu ce délai, il m'est apparu important de ne pas attendre cette échéance avant d'avoir une mesure partielle de l'impact, sur la santé de mammifères, des champs électromagnétiques à faible niveau… »
Voici les principales conclusions de cette recherche.
1 Une durée d'expérience très longue. Pour mesurer entre autres l'impact des ondes pulsées utilisées dans les technologies mobiles (GSM, antennes relais, wi-fi, radars…), le chercheur a constitué quatre groupes de rats, qui possèdent 90 % de matériel génétique en commun avec l'homme. Pendant 18 mois, Dirk Adang a exposé trois de ces groupes à trois niveaux d'exposition électromagnétiques différents. Le groupe témoin n'était quant à lui pas soumis à ces ondes.
« Un rat vit en moyenne 2 ans et demi, explique le chercheur. Cela signifie que j'ai exposé ces mammifères pendant 70 % de leur vie à des niveaux conformes aux standards internationaux en vigueur. Soit, une moyenne de 27 volts par mètre à raison de deux heures par jour, sept jours sur sept. »
De l'avis de plusieurs experts intervenus ce lundi, la durée de l'expérience et ses modalités lui confèrent un caractère unique à ce jour. Force supplémentaire de la méthode : les rats, tatoués à l'intérieur des oreilles pour être identifiés sans ambiguïté, étaient en liberté dans quatre cages différentes au long de l'expérience. « Cela signifie qu'il n'y avait aucun stress particulier lié à l'expérience, précise Dirk Adang. Or, ce stress peut constituer un biais pour la validité des résultats… »
2 Une agression du système immunitaire. Pour vérifier l'impact sur la santé des rats, des échantillons de sang ont été prélevés tous les trois mois. « Il est remarquable que dans tous les groupes soumis à une exposition, on constate une augmentation des monocytes comparativement au groupe témoin », note l'étude.
Ces globules blancs sont une partie du système immunitaire et jouent un rôle important dans le processus d'élimination des particules étrangères au corps humain. « Ces découvertes montrent un stress dans la formation du système sanguin après une exposition à faible dose, à long terme, de micro-ondes, note la thèse. (…) C'est comme si l'organisme vivant réagissait à une agression étrangère ou une intrusion. »
Autre constat : après 11 et 18 mois d'exposition, des augmentations significatives d'autres types de globules blancs ont été constatées dans les trois groupes exposés. « Les leucocytes et les neutrophiles montrent une augmentation de près de 30 % comparativement au groupe témoin après 18 mois d'expérience. Cela peut-être une indication d'un effet à long terme, même en dessous de faibles niveaux thermiques. »
3 Un taux de mortalité doublé. L'effet sur la santé des mammifères devient très clair à l'issue des trois mois qui suivront l'arrêt de l'expérience. Comme le détaille l'infographie en page 3, le taux de mortalité dans les trois groupes exposés est le double (60 %) de celui constaté dans le groupe témoin (29 %). Dirk Adang relève que l'augmentation de la mortalité peut être due à « la réaction et l'altération du système immunitaire. » De quoi sont-ils exactement morts ? Sur les 124 rats, seulement 19 ont fait l'objet d'une dissection. Un nombre trop peu élevé pour être significatif et établir des comparaisons. Relevons le fait que 16 des 17 rats exposés à des champs électromagnétiques sont morts de tumeurs diverses (cou, genou…).
4 Des cadavres à autopsier. Et après ? Fort d'une recherche saluée pour sa rigueur méthodologique par un jury d'experts international, Dirk Adang manifeste son souhait de poursuivre les recherches en introduisant une plus haute fréquence : « Les résultats que nous avons obtenus ont ouvert des portes pour des recherches futures, note l'auteur. C'est pourquoi les 124 cadavres sont conservés dans le formol jusqu'à ce que les organes puissent être analysés. Il faudra pouvoir établir si l'exposition aux micro-ondes a engendré un vieillissement prématuré des rats. Les présomptions existent à ce niveau. »
Il s'agira aussi de vérifier si ces résultats concernent l'homme.