Méthodiquement, Robert Mugabe met sur les rails sa campagne électorale. La défense du Zimbabwe contre les "intérêts étrangers" en sera l'un des thèmes majeurs. Après la réforme agraire, lancée en 2000, qui a fait fuir la plupart des fermiers blancs et a plongé le pays dans une crise économique sans précédent, il a été annoncé, lundi 28 mars, que d'ici six mois, toutes les entreprises minières étrangères devront avoir cédé une majorité de leur capital à des actionnaires zimbabwéens. En cas de refus, elles risqueront des poursuites judiciaires.
Au pouvoir depuis 1980, date de l'indépendance nationale, Robert Mugabe avait justifié cette décision la veille : "Nous reprenons le contrôle. Ecoutez, la Grande-Bretagne et l'Amérique : ici, c'est notre pays. Si vous avez des entreprises qui souhaitent travailler dans notre secteur minier, elles sont les bienvenues, mais il faut que nos compatriotes en soient les actionnaires majoritaires".
L'an dernier, un décret d'application d'une loi d' "indigénisation" votée en 2007 précisait que les entreprises étrangères dont le capital était supérieur à 500 000 dollars devaient vendre d'ici cinq ans 51% de leurs parts à des actionnaires locaux.
FLATTER LES ASPIRATIONS NATIONALISTES
Cette soudaine accélération du calendrier inquiète les entreprises concernées (Zimplats, Rio Tinto,…). L'indice minier de la bourse de Johannesburg a baissé de 3%, lundi. Le Zimbabwe est le deuxième pays au monde en termes de réserves de platine. Ce petit pays d'Afrique australe possède aussi des diamants, de l'or, du charbon, de l'uranium.
Partie prenante du gouvernement d'unité nationale mis en place en février 2009 à la suite d'élections controversées émaillées de violences, le principal parti d'opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), juge légitime la volonté de corriger les inégalités du passé liées à l'héritage colonial. Mais il préférerait une approche graduelle afin de ne pas effrayer les investisseurs étrangers et risquer d'enrayer une reprise économique qui demeure fragile.
Au Zimbabwe, à Marange, des mineurs creusent à la recherche de diamants.
Au Zimbabwe, à Marange, des mineurs creusent à la recherche de diamants.AP/TSVANGIRAYI MUKWAZHI
Avec cette annonce, Robert Mugabe compte faire coup double : flatter les aspirations nationalistes d'une partie de la population et stigmatiser la position du MDC accusé de ne pas être "patriote". Début mars, la Zanu-PF, le parti présidentiel, a aussi lancé une pétition nationale pour réclamer la fin des sanctions "illégales" internationales qui frappent essentiellement des proches de Robert Mugabe.
Celui-ci souhaite des élections législatives et présidentielle au plus vite. Des observateurs estiment qu'il tente de pousser à bout le MDC afin de provoquer la chute du gouvernement d'unité nationale et la tenue d'élections anticipées.
DÉSORMAIS, LA CO-MINISTRE DE L'INTÉRIEUR SE CACHE
Au Zimbabwe, Mugabe veut contrôler les compagnies minières étrangères
Samedi 26 mars, un meeting du MDC a de nouveau été annulé par la police dans la capitale Harare. La veille, le ministre de l'énergie, Elton Mangoma, un proche de Morgan Tsvangirai, premier ministre et leader du MDC, avait été arrêté pour la seconde fois. Il a été inculpé pour "abus de pouvoir" dans une procédure d'appel d'offres.
L'opposition dénonce une manipulation politique et la culture d'impunité qui règne à l'encontre des proches de Robert Mugabe. La co-ministre de l'intérieur, Thérèse Makone, a annoncé qu'elle allait désormais se cacher craignant, elle aussi, d'être emprisonnée.
Jeudi 31 mars, la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) va se réunir, en Zambie, pour discuter de la situation politique au Zimbabwe. Elle souhaite qu'un référendum portant sur l'adoption d'une nouvelle constitution ait lieu – peut-être en septembre – avant la tenue d'élections présentant un minimum de garanties de transparence.
Sébastien Hervieu