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 Jeunesse et spiritualité

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Golestan
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Golestan


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Localisation : Herat Afghanistan
Date d'inscription : 10/12/2004

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MessageSujet: Jeunesse et spiritualité    Jeunesse et spiritualité  Icon_minitimeSam 15 Sep - 23:30

Salam

Jeunesse et spiritualité

ALI SHARIATI

Je parlerai de trois dimensions: «Dieu», «égalité» et «liberté». C'est ce dont ont parlé en Europe, Pascal, Marx et Sartre et, dans l'histoire orientale, Hallâj, Mowlavi, Mazdak[1] et Bouddha. Dans le shî'isme, c'est, ‘Ali qui nous apporte tout cela. ' Ali seul puis ses compagnons, tous, ses copies avec des degrés de conformité différents. Abuzar[2] est un de ceux qui nous apportent les trois dimensions qui précèdent. Sur le plan idéologique nous devons nous appuyer sur ces réflexions, nous y référer constamment.
Cela signifie que pour aborder la dimension spirituelle, erfân, dans la culture européenne, nous devons connaître Pascal, Spinoza, Bergson et Carrel. En ce qui concerne la justice, c'est toute la littérature socialiste / moraliste germanique qui doit nous intéresser. De même, il faut connaître le communisme avant Marx et toute la littérature marxiste, l'existentialisme et l'humanisme contemporain. Il faut connaître Stuart Mill et ceux qui, comme lui, donnent la meilleure justification scientifique et intellectuelle de la liberté de l'homme, de la liberté individuelle et des droits de l'homme.
En Iran, pour éviter que la jeune génération qui reconnaît ces trois dimensions dans l'islam – et notamment dans le domaine social, perçoit ses positions anti-exploitation, anticolonialiste et progressiste – ne se trouve en position d'infériorité idéologique face au marxisme ou à la civilisation européenne ou américaine, il faut renforcer et nourrir la spiritualité.
Le savoir spirituel est le seul qui élève la valeur existentielle de l'homme à un degré qui le protège contre tout sentiment d'infériorité face à la grandeur occidentale. Il lui fait découvrir en lui-même une valeur sublime qui le préserve du complexe d'infériorité face à l'idéologie matérialiste de Marx et du communisme.
Le renforcement du spirituel est à mon avis d'une importance primordiale pour nos jeunes. J'ai eu l'occasion de travailler avec des jeunes de 15-16 ans. À l'âge où leur sensibilité vis-à-vis des problèmes sociaux et économiques est intense, leur esprit étant nourri par un islam tel qu'il leur est présenté actuellement, dès qu'ils ont accès à l'Introduction générale à la Critique de l'économie politique, au Capital ou d'autres oeuvres socialistes et révolutionnaires, ils découvrent que cette dimension de «justice sociale» y est bien plus et mieux expliquée.
Alors leur tendance est de dire: «pourquoi attendre que nos propres leaders écrivent notre «Manifeste»? Celui de Marx est sans cesse réédité depuis cent ans. Alors ne perdons pas de temps.»

Le glissement s'opère automatiquement et il faut proposer aux jeunes cette essence qui manque au marxisme comme à l'homme bourgeois. Il faut offrir à son esprit cette approche, cette mission que ne peut contenir, ni suggérer, l'idéologie marxiste, à savoir l'essence mystique.
Seulement dire à la jeunesse d'aller prier, jeûner, etc., ne lui apporte pas cette essence mais au contraire provoque un rejet.
C'est ici qu'il faut éviter le fameux «complexe de l'âftâbe»[3]. Alors par quoi commencer? Il faut d'abord lui faire oublier ses associations habituelles avec nos pratiques religieuses stéréotypées. Il faut qu'elle puisse se soustraire de toute identification à nos <i>«bigots traditionnels»</i>. Il faut alors lui faire connaître des textes mystiques qui n'ont pas encore de rapport explicite avec les questions religieuses et avec la piété; les textes spirituels d'abord pour purifier et affiner son âme et pour imprégner sa vie du désir de Dieu.
Parmi ces textes il faut commencer par «Upanishads»[4], «Radha Krishnan»[5] ou encore par «Pensée de l'Ouest et Religion de l'Est». C'est ensuite qu'il faut suggérer la lecture de Mohammad Eqbâl[6].
Eqbâl n'est pas un mollâ dont la religion se limite aux dimensions de sa cellule, il n'est pas un «mystique», sufi, à la religion enserrée dans son lieu de culte, Khâneqâh. Non, Eqbâl est un intellectuel. Il était bien plus à la page, fokoli[7], que nous tous et avant même que cela existe en Iran.
Pourquoi? Parce que pendant deux siècles les Anglais ont occupé son pays natal. Si notre colonisation à nous est une colonisation «téléphonique»[8], à distance, en Inde, Anglais et Européens ont occupé le terrain pendant deux cents ans. Sa langue est la langue anglaise ; il est parti en Europe, s'est mesuré à Hegel, Goethe, Nietzsche, Descartes, Kant puis il est revenu chez lui en disant: «Hélas, je regrette le temps que j'ai perdu en Europe !».

Voyez-vous, quand un jeune comprend cela, il ne se laisse plus impressionner par un polycopié. Vous entendez bien? Il a dit: «Je regrette ces années que j'ai perdues en Europe».
Qui peut dire qu'il a perdu son temps en Europe ? Celui dont on retient le nom dans l'histoire de la philosophie occidentale ? Parmi les écrivains et philosophes de l'Occident, il n'y en a que deux qui ne sont pas des occidentaux : l'un est Omar Mowlud d'Algérie et l'autre Mohammad Eqbâl.
Cet indien, bâbâ hendi et musulman ne passait pas son temps dans les cabarets à apprendre à danser ; il n'a pas été à l'école des banquiers ou des coiffeurs ; mais il a étudié la philosophie et ceci au sommet de la pensée humaine. Puis il est revenu chez lui en disant : «J'ai rêvé que j'étais amoureux de Hegel» - Hegel est celui dont un des éclats, et non pas le plus lumineux, fut Marx. II dit : «J'ai rêvé d'être élève de Hegel, et la grandeur et la largeur de sa pensée avait rendu la Terre honteuse de son étroitesse» - c'est vrai.<i> «Mais tout à coup j'ai vu arriver le vieux sage, celui qui avait illuminé les villes de Halab et Shâm[9] de son éclat divin – il veut dire Mowlavi -, alors j'ai vu. Hegel s'effacer comme une image en évitant de le regarder tellement il était devenu honteux et modeste.» </i>

Et voici l'interprétation poétique qu'il en donne :
«Bien que sa pensée vierge ait l'allure
d'une jeune mariée,
Comme la poule ivre de désir
pond sans avoir été fécondée».


Il est des poules qui n'ont pas de coq mais se traînent par terre par excès de chaleur et pondent des oeufs qui n'auront pas été fécondés par un mâle. Ces oeufs ne sont bons que pour être mangés car même couvés ils ne donneront jamais de poussins. Ce sont des oeufs sans vie qui n'écloront jamais.
Eqbâl qui a reconnu Hegel comme un maître à penser et qui a étudié ses oeuvres et son idéologie – et non pas lu seulement des traductions erronées et incompréhensibles par le traducteur lui-même qui n'a rien compris de Hegel – nous dit que toute la pensée de Hegel est comme un oeuf non fécondé qui n'est bon qu'à faire des omelettes. Il la compare à une lampe de poche face au soleil qu'est Mowlavi (Mowlânâ).

Alors nos enfants lorsqu'ils découvrent que l'espace hégélien est totalement dépassé par ce sentiment d'élévation que comporte l'adoration d'un Dieu unique réalisent à quelle hauteur se situe et se pose la vision mystique. Mais le noyau de l'amour qui pénètre l'âme de notre jeune génération et le désir du divin qui coule dans leurs veines ne les entraînent pas dans l'isolement des temples et des mosquées. Le sang qui coule ainsi dans leurs veines est le même qui continue à faire battre le cœur de Hallâj sous les cendres. Ce sang est le même que celui de Husayn sur le champ de bataille et celui d'Abuzar dans la lutte qu'il a menée pour défendre les droits sociaux et économiques des opprimés.
Ce sang coule dans le corps même de la vie, dans le destin de l'humanité au cœur même des nécessités temporelles et dans tout le peuple.
Ce sang fait du militant un amoureux armé et responsable : ‘Ali.
Avec toute sa grandeur sublime. Ali dit: <i>«Le gouvernement, velâyat, la tutelle, vesâyat et la clarification finale de la religion (etmâme-e din), je donnerai tout cela pour rassasier les affamés et pour attraper à la gorge les gros mangeurs et leur réclamer tout ce qu'ils ont avalé, et j'irai jusqu'à leur retirer le lait qu'ils ont bu et plus encore».</i>
Il ne s'agit donc pas d'un «isolationnisme» à la manière des sufis. Il s'agit d'un sang mystique qui rend amoureux et combattant et qui est tout a la fois libérateur et porteur de la justice sociale. L'homme dans les veines duquel coule ce sang n'a donc pas à s'effacer devant l'homme que propose Marx. Au contraire, non seulement il ne se sent pas inférieur mais il le regarde de haut.
Il sent que cette statue de pierre que Marx fait de l'homme, bien que belle et dotée de toutes les dimensions matérielles de la vie humaine, n'est pas fécondée (pour reprendre les termes d'Eqbâl) ; il lui manque ce feu qui apporte à l'homme la flamme existentielle.
Ainsi donc, pas de sentiment d'infériorité mais bien de supériorité et c'est là que l'islam se pose et se propose ; non pas comme un sous ou demi-intellectualisme ou sous-marxisme qui une fois évolué atteindra le marxisme mais au-dessus de la ruine et de l'impasse du capitalisme, du mysticisme des sufis et du désir de justice sociale des matérialistes. L'islam s'élève au-delà de la science et au-dessus du matérialisme et du marxisme.
Oui, l'investissement du spirituel est ce qui permet aux jeunes d'atteindre efficacement la dimension existentielle, son élévation et sa beauté spirituelle. Ils ne sont alors plus vulnérables devant les idéologies qui veulent déraciner la pensée islamique avec l'outil de la science, de la pensée et de la logique. Ils peuvent enfin se mettre â l'abri des tentations destructrices et dévoratrices que représentent le capitalisme, la société de consommation, la sexualité pervertie, le culte de l'absurde et le colonialisme culturel.







[1] Husayn ebn-e Mansur dit Hallâj, poète mystique, accusé d'hérésie fut exécuté à la fin du 9e siècle sur l'ordre du calife de Bagdad AI-Moqtader . Jalâl-eddin Rumi dit Mowlânâ (1207-1273). Mazdak Bâmdâd, idéologue révolutionnaire, né à Neyshabûr dans la province de Khorâsân. Il est considéré par les Iraniens comme l'ancêtre du communisme. Il s'insurgea contre le pouvoir royal et le clergé zoroastrien et proclama la justice sociale et le partage égalitaire de tout bien. Il fut tué avec plus de 20000 de ses disciples sur l'ordre du Roi de la Perse au 11e siècle.

[2] Abuzar Qaffâri fut un des plus proches amis et compagnons du Prophète et de 'Ali. Enfant du désert, issu d'une tribu pauvre, Abuzar fut le cinquième musulman et marqua l'histoire de l'islam par ses prises de position tranchées et révolutionnaires en faveur des opprimés et contre la déviation de la politique du pouvoir en place. Son opposition radicale au régime instauré par Otmân lui a valu l'exil mais il n'a pas cessé d'affirmer les droits des opprimés contre les oppresseurs: «Je suis étonné que celui qui a faim ne s'insurge pas, son sabre à la main». Shariati, lui-même fasciné par le personnage d'Abuzar, a rassemblé en un ouvrage romancé les données historiques disponibles sur la vie et la lutte acharnée de cet homme rude et solitaire (Abuzar, éd. Hoseyniyye Ershâd, 1978, 307 p).

[3] L'âftâbe est le récipient traditionnel qui sert à la toilette intime en Iran. Shariati rapporte dans une note annexe de son ouvrage Mâ va Eqbâl, «Nous et Eqbâl», l'anecdote qui justifie l'expression «complexe de l'âftâbe». Un intellectuel iranien, alors qu'il était élève dans un internat religieux, a brisé l'âftâbe pour se libérer de son complexe avant de partir pour l'Europe. Shariati symbolise ainsi la réaction de certains intellectuels iraniens qui, repoussant sans les analyser les contraintes de la tradition ritualisée à l'extrême. se tournent vers l'Occident pour trouver une issue dans la fuite.

[4] Upanishads : textes philosophiques et commentaires métaphysiques des Brahmans.

[5] Radhakrishnan, Sarvepalli, philosophe hindou (1888-1972).

[6] Eqbâl, Mohammad, poète, philosophe et idéologue musulman indien (1876-1936). Shariati se réfère souvent à Eqbâl et lui a consacré un ouvrage intitulé Mâ va Eqbâl

[7] Fokoli vient du mot français «faux-col» et désigne les gens qui s'habillent à l'occidentale et d'une manière recherchée. Qualifier quelqu'un de fokoli est plutôt péjoratif en Iran. Shariati utilise ce terme pour donner une image moderne d'Eqbâl aux jeunes iraniens et l'inclure dans la réalité contemporaine. À cette période, l'Iran n'avait pas encore entamé la remise en question radicale des valeurs (et des tenues) occidentales imposées par la dynastie Pahlavi.

[8] L'asservissement de l'ancien régime à l'Amérique faisait dire aux Iraniens que le Shah recevait téléphoniquement ses ordres des États-Unis.

[9] Halab, Alep en français est une ville ancienne située à l'extrémité nord-ouest du plateau intérieur de la Syrie. L'importance de cette ville est antérieure à l'islam et son passé historique date de 20 siècles avant l'ère chrétienne. À l'époque de Mowlavi au XIIIe siècle, la vie intellectuelle fut intense dans cette ville qui attirait les plus grands savants et philosophes musulmans. Shâm est l'ancien nom de Dimashk, la plus grande ville de Syrie dont le passé historique date de 10 siècles avant l'ère chrétienne, À l'époque de Mowlavi, au XIIIe siècle, elle fut un centre intellectuel, religieux, politique et commercial.
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Golestan
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MessageSujet: Re: Jeunesse et spiritualité    Jeunesse et spiritualité  Icon_minitimeDim 22 Sep - 22:49

Il est des poules qui n'ont pas de coq mais se traînent par terre par excès de chaleur et pondent des oeufs qui n'auront pas été fécondés par un mâle. Ces oeufs ne sont bons que pour être mangés car même couvés ils ne donneront jamais de poussins. Ce sont des oeufs sans vie qui n'écloront jamais.
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