Aux politiques
Les temps sont durs, hélas ! et je puis concevoir
Que l'un ait un château, un hôtel ou manoir
Et qu'il mène à sa guise une vie tranquille,
Fastueuse, royale, odieuse et futile,
Tandis que son voisin, accablé de tourments,
Miséreux, endetté, et mangeant par moments,
Se demande toujours ce qu'il pourrait bien faire
Pour sortir dignement de sa longue misère.
Oui, je comprends qu'un autre, affamé, abattu,
Quoiqu'il soit honnête homme et doué de vertu,
Mendie dans la rue et, plus repu de gênes
Que des maigres effets de ses honteuses peines,
Erre, le soir venu, pour trouver un abri
Et remettre au sommeil son corps las et meurtri.
Ces situations, déjà intolérables,
Peuvent être, en ces temps, plus ou moins pardonnables
Pour les autorités dont l'obligation
Est de gérer au mieux toute la nation,
Mais ce qui ne l'est point, ce qui ne pourrait l'être,
Ce qui damne et noircit l’État sournois et traître,
Ce qui navre et abat mes esprits hébétés
Est de voir, ça et là, de pauvres retraités,
Qui ont passé leur vie à seconder la France,
Mendier quelques sous pour avoir leur pitance...
Comment tolérez-vous que vos concitoyens,
Qui ont longtemps sué ! n'aient point d'autres moyens
Pour taire leur faim que la charité publique ?
Comment supportez-vous, ô pègre politique,
Abominable amas de pendards corrompus !
Comment supportez-vous d'être heureux et repus
Alors que tous ces gens, diminués par l'âge,
N'ont que la pauvreté et la faim pour partage ?
N'en souffrez-vous donc pas ? Songez-vous à la sort ?...
Ah ! que dire de plus ?...Vous méritez la mort !