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 interview d Ismael khan apres avoir echapé aux talibans

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Juba
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MessageSujet: interview d Ismael khan apres avoir echapé aux talibans   interview d Ismael khan apres avoir echapé aux talibans Icon_minitimeSam 6 Fév - 22:54

salam

interview tres interessante , notamment concernant le trafic de drogue
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Juba
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MessageSujet: Re: interview d Ismael khan apres avoir echapé aux talibans   interview d Ismael khan apres avoir echapé aux talibans Icon_minitimeSam 6 Fév - 22:54

INTERVIEW de ISMAÏL KHAN (1ère partie)

"Le peuple n'est pas satisfait" - "Les Taliban vont s'effondrer" - "Cette guerre nous a été imposée" - "La prochaine guerre en Afghanistan sera la guerre de l'opium".

L'interview exclusive faite par Azadi Afghan Radio du Général Ismaïl Khan, ancien commandant afghan dans la résistance anti-soviétique (1978-1992) et gouverneur des provinces afghanes de l'ouest et du sud-ouest (1992-1995), suite à sa téméraire évasion d'une prison taliban de Qandahar le mois dernier. Ismaïl Khan avait été capturé et livré aux Taliban en 1997 dans le cadre d'une prétendue conspiration née entre les Taliban et un ancien chef de guerre dans la province septentrionale de Badghis. Il a passé 3 ans en détention chez les Taliban à Qandahar jusqu'à son évasion fin mars avec l'aide d'éléments moudjahidin "insatisfaits" appartenant à l'appareil de sécurité des Taliban.

L'interview téléphonique de 30 minutes d'Ismaïl Khan, de sa résidence provisoire à Mashad, en Iran, a été menée par Omar Samad le 29 avril. Traduction par AAR.

SAMAD: Général Ismaïl Khan, merci d'avoir accepté de nous parler. Je commencerai, si vous le permettez, par vous interroger sur votre évasion téméraire du mois dernier des geôles taliban. Comment cela s'est-il passé et quelle aide avez-vous reçue?

ISMAÏL KHAN: Au nom de Dieu, miséricordieux et compatissant. Merci. Je dois vous dire que mon évasion a été facilitée par nos frères moudjahidin [guerriers saints - terme utilisé en référence aux forces anti-soviétiques dans les années 80] qui ont été contraints de rester avec les Taliban pour certaines raisons. En général, les Moudjahidin, qui sont actuellement avec les Taliban, se sentent contraints de rester avec eux à cause de difficultés diverses et parce qu'il ne leur est pas possible de fuir et de devenir des réfugiés. Mais je peux vous dire que la plus grande partie d'entre eux [dans les rangs des Taliban] ne sont pas satisfaits de la situation... même pendant mon séjour là-bas, des personnalités locales de Qandahar qui étaient amenés en prison m'ont dit qu'ils étaient totalement insatisfaits de la situation instaurée par les Taliban. Ils ont compati et voulaient m'aider. Le jeune homme (appelé Hekmatullah dans certains articles de presse), qui avec l'aide de Dieu m'a aidé à retrouvrer la liberté, et son père étaient tous les deux des moudjahidin à l'époque de la djihad [contre les Soviétiques]. Il m'a dit un jour qu'il avait honte qu'un Moudjahid [pensant à Ismaïl Khan] soit emprisonné et qu'il deviendrait son gardien. Il avait ajouté qu'il avait décidé d'être à mon service. Puis le jeune homme a mûri ses plans jusqu'à ce que les conditions soient réunies pour notre libération. On s'était arrangé pour disposer d'une voiture qui nous emmenerait de Qandahar jusqu'aux fronts de la résistance (forces anti-Taliban)... les conditions et la situation ont été examinées par ce jeune homme, étant donné que père et fils étaient décidés à aller jusqu'au bout... et avec la volonté de Dieu nous avons quitté la prison aux aurores, à 4 heures.

Q: Quels difficultés et dangers avez-vous rencontrés sur votre chemin vers la liberté?

A: Je vous répondrai qu'avec tous les faux bruits que les Taliban ont fait courir sur cet incident, ce sont vraiment des gens ignorants. Ils n'étaient pas suffisamment au courant et ne sont pas des gens sérieux... Nous avons fait la route en plein jour de Qandahar vers la province du Helmand sur la route principale. Avec l'aide de Dieu, nous n'avons pas rencontré un seul obstacle. Nous n'avons été reconnus à aucun des barrages routiers que nous avons franchis, ils n'étaient pas au courant. Lorsque la nouvelle de notre évasion a été rendue publique, ils ont envoyé des hélicoptères sur le désert et ils ont érigé des barrages routiers, mais nous avions alors déjà quitté les territoires sous leur contrôle sans aucun obstacle.

Q: Dans une de vos premières interviews suivant votre évasion il y a quelques semaines, vous aviez dit que vous privilégiiez un arrangement politique pour rétablir la paix dans le pays. Puis au cours d'une autre intervention publiée par les forces de la résistance, vous avez presque déclaré la nécessité d'un nouveau djihad contre les interventionnistes étrangers et leurs alliés Taliban. Pouvez-vous nous dire comment vous envisagez vos futures activités au niveau national et quel est votre message à ce sujet au peuple afghan?

A: Comme vous venez de le dire, mon message à la nation afghane est que la guerre n'est pas la solution au problème afghan. Cette guerre nous a été imposée et même ceux qui sont la cause de cette guerre n'en tireront aucun bénéfice... ils vont plutôt en souffrir. Ce n'est pas seulement mon devoir mais également celui de tout Afghan et de tout combattant Moudjahid de s'efforcer à ramener la paix et instaurer un régime islamique... Rétablir la paix et la sécurité, s'engager dans la reconstruction de l'Afghanistan... voici le devoir de chacun d'entre nous. Mais dans le cas où certains ne sont pas d'accord avec une solution pacifique, et que la sécurité de notre pays est menacée et qu'on fait souffrir notre peuple, quelle serait la porte de sortie? Nous faisons notre maximum pour résoudre le problème par des moyens pacifiques, mais si on fait souffrir notre peuple et si on nous impose une guerre dont nous ne voulons pas et qui traîne en longueur, nous serions contraints de trouver d'autres moyens pour notre salut.

Q: Général Ismaïl Khan, vous considérez-vous comme faisant partie des ce qui reste de l'Etat Islamique d'Afghanistan [nom officiel de l'ancien gouvernement de Kaboul reconnu par les Nations Unies et représentant l'opposition aux Taliban] et de l'alliance dénommée Front Uni, et quel serait votre rôle dans ce contexte?

A: En tant que membre de l'EIA, j'avais en charge les affaires des régions du sud-ouest du pays à l'époque de la djihad [anti-soviétique] et après la victoire des Moudjahidin qui ont dû se débrouiller dans cette guerre dont ils n'ont jamais voulu. Il n'y a pas de changement à cela. Actuellement les forces de la résistance dans cette région me considèrent toujours comme un camarade. Rien n'a changé quant à mes devoirs dans le cadre de l'EIA.

Q: Comment voyez-vous vos relations à venir et votre niveau de coopération avec les forces de la résistance à l'intérieur du pays, et en particulier avec le Commandant Massoud? Avez-vous été en contact avec lui et avez-vous l'intention de le rencontrer et de travailler avec lui sur une approche commune et avec le conseil d'autres personnes?

A: Heureusement, même à l'époque du djihad, mes relations avec les fronts nord du pays et avec la personne d'Ahmad Shah Massoud – qui est l'un des plus éminents moudjahidin et qui est véritablement reconnu par la nation afghane – étaient bonnes et continuent à l'être. J'ai également du respect pour le Professeur [Burhanudin] Rabani comme leader de Djihad, comme par le passé. Je dois dire que pendant ma période de détention, Massoud a fait de gros efforts pour obtenir ma libération et s'est montré prêt à échanger des prisonniers de guerre [pour obtenir ma libération]. Le mois dernier, alors que nous n'étions pas encore tout à fait hors de danger, Massoud a été la première personne à me contacter une fois que nous avions atteints les places fortes de la résistance... et nous avons conversé. Depuis lors nous avons eu plusieurs contacts directs. Lors des années de djihad, nous étions côte à côte comme deux frères et, si Dieu le veut, nous le resterons. Contrairement aux dires de certains ignorants, il n'y a aucune inquiétude à avoir à ce sujet. Vous pouvez être sûrs que nous sommes deux moudjahidin sur le même front, et nous sommes confiants que dans le but de rendre la liberté à notre pays et d'installer un régime qui rétablira l'ordre et la sécurité, nous serons au service de notre pays "main dans la main".

Q: Quel est votre avis sur le rôle, au sein de l'alliance anti-Taliban de ceux qu'on pourrait appeler les anciens rivaux, les généraux Abdul Rashid Dostom and Abdul Malik, à la lumière d'allégations que Malik, au moins, a collaboré à votre capture [en 1997] et livraison aux Taliban?

A: Je pense qu'il y a une énorme différence entre le rôle du Général Dostom et celui de Malik. J'ai pu observer au cours d'un séjour dans le Nord il y a quelques années que les Ouzbeks [afghans] ont du respect pour Dostom. De l'autre côté, le général Malik est un "dealer." Comme vous avez pu le constater, il négociait avec les Soviétiques, puis il a passé un accord avec les Taliban... il y a encore beaucoup de différence entre eux... comme dit un poète "... cette route que tu suis ne mène nulle part." Il détient des records en matière de trahison de son pays. Que peut-il [Malik] faire d'autre? Il est tombé en disgrâce auprès des Ouzbeks [d'Afghanistan]. Il ne peut être d'aucun service à notre nation... Selon un aveu d'un commandant taliban du nom d'Abdul Wahed, qui a passé quelques jours en captivité avec nous à cause d'une dissension avec leur ministre de la défense Obaidullah, ils [les Taliban] ont massacré 22.000 personnes au cours de leur dernière offensive contre Mazar-i-Sharif [en 1998]. Je pense que leurs massacres dans les provinces de Baghlan, Samangan, Kunduz, Mazar, Faryab, Sheberghan, qui n'ont pas cessé à ce jour, ne sont pas l'œuvre des Taliban seuls, Malik en est également responsable. Ce n'est pas seulement moi qu'il a trahi, mais la nation entière. Plus de 50.000 personnes ont été tuées au cours des 4 dernières années de guerre [par les Taliban], c'est Malik qui est le responsable... Si quelqu'un au sein du Front Uni (l'Alliance) avait une impression positive de lui [Malik], alors je le renverrai au poème que je viens de vous lire.

Q: Comment voyez-vous l'avenir des Taliban? Pensez-vous que leur mouvement va imploser, que des pressions externes contribueront à leur défaite, ou que quelque chose de nouveau risque d'émerger de ce groupe?

A: Ayant été témoin de certains faits et de mes conversations avec des personnes [à Kandahar] qui ont ou nous parler, les Taliban, et particulièrement les gens du Qandahar, du Helmand et de l'Uruzgan, se sont rendu compte de leur erreur... qu'ils [les Taliban] ne peuvent plus être considérés comme des "Talebs" (littéralement "étudiant en religion qui cherche à apprendre"), et qu'il n'est pas question de "guerre sainte". Leurs autorités avaient l'habitude de recruter des hommes pour leurs offensives de printemps, mais presque 2 mois après, ils étaient toujours incapables de procéder à ces recrutements. Les gens ne veulent plus aller faire la guerre. Je sais que le mouvement taliban va s'effondrer, mais malheureusement ce ne sera pas la fin de la guerre en Afghanistan... La prochaine guerre en Afghanistan sera celle de l'opium. Ce sera une guerre scandaleuse. Dans le passé, des contrebandiers franchissaient la frontière la nuit à pied en transportant quelques kilos d'opium pour le vendre dans un pays voisin... mais maintenant c'est le "armored personnel carrier" (APC) ou machine de guerre qui servait au combat qui est utilisé pour le transport de la drogue. Le contrebandier d'aujourd'hui est équipé de chars et de canons. Dorénavant, ce n'est plus une guerre taliban mais une guerre de maffieux de la drogue et de contrebandiers. Par ailleurs on nous a imposé une guerre dont nous ne voulions pas... une réminiscence de la politique de l'ancien Roi Abdul Rahman Khan après sa prise de pouvoir suite à la seconde guerre anglo-afghane (à la fin du 19ème siècle). Il avait écrasé les soulèvements populaires et tué les Moudjahidin de cette époque en montant les provinces les unes contre les autres. Si vous étudiez l'histoire de l'époque d'Abdul Rahman Khan, il avait par exemple opposé la population de Herat contre celle de Kaboul, et les Kabulis contre la population de Bamyan... en il avait favorisé l'animosité entre les peuples. Nous voyons que les Taliban font la même chose... ils montent les gens les uns contre les autres pour assurer le maintien de l'état de guerre pour les années à venir. Mais le mouvement taliban va s'effondrer. Je l'ai vu de près, le peuple ne veut plus aller faire la guerre, n'est plus disposé à aider les Taliban. Ils sont une bande de trafiquants d'opium qui utilisent les bénéfices de la vente de drogues illégales pour soutenir l'effort de guerre. Je suis certain que la nouvelle année [afghane] qui commence sera celle du déclin des Taliban.
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Juba
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MessageSujet: Re: interview d Ismael khan apres avoir echapé aux talibans   interview d Ismael khan apres avoir echapé aux talibans Icon_minitimeSam 6 Fév - 22:55

Q: Général Ismaïl Khan, revenons à 1997 et aux évènements qui ont abouti à votre capture. Dites-nous quelque chose sur cette période et donnez-nous un aperçu des personnes impliquées dans la conspiration qui s'est développée dans la province de Badghis à ce moment-là.



R: Comme vous le savez, j'étais allé à cette époque à Badghis avec quelques-uns de nos Moudjahidin pour planifier la reprise de Hérat. Quelques unités armées du Jumbesh (faction sous le contrôle du Général A. Rashid Dostom) étaient également stationnées là sous le commandement du Général Malik et de son frère Gul Mohammad. Malheureusement, étant donné que nous avions un ennemi commun [les Taliban], nous n'avions pas d'autre choix que d'établir les plans d'action en commun. Un jour, sous le prétexte d'une opération conjointe, ils [Malik] m'ont invité à assister chez eux à une réunion du conseil des commandants. Malgré le fait que j'avais déjà entendu au travers de bribes de conversations téléphoniques qu'ils avaient auparavant établi des contacts avec les Taliban, cette réunion me semblait douteuse. J'en avais aussi référé au Professeur Rabbani une semaine avant, lui signalant les contacts avec les Taliban et les dangers que nous risquions de courir. Le 18 mai 1997, ils ont organisé une réunion à laquelle j'ai assisté avec deux commandants de Hérat et quelques gardes du corps de leur QG. D'autres commandants prenaient leur petit déjeuner quand nous sommes arrivés... Je n'étais pas d'accord avec le plan qui était avancé. A cela, Malik a répondu qu'il signalerait mon désaccord au Général Dostom. Il quitta la pièce... environ 17 commandants non armés (de diverses régions du Nord et de Hérat) étaient là... quand soudain une douzaine d'hommes armés ont fait irruption. Nos gardes avaient été disséminés dans le reste du bâtiment. Ils nous tenaient à bout de canon et nous ne pouvions rien faire puisque nous n'étions pas armés. Ensuite, nous avons été conduits en hélicoptère à Faryab. Après deux nuits en prison, deux fonctionnaires Taliban sont arrivé, m'ont parlé brièvement et nous ont emmenés vers un de leurs centres. Par la suite j'ai été transféré par hélicoptère à Hérat puis à Qandahar. C'était une conspiration perfide et lâche élaborée par Malik contre une poignée de billets...



Q: Ne pensez-vous pas que ce plan a été mis en œuvre par Malik, mais qu'en réalité il a été élaboré par l'ISI pakistanais et les Taliban qui voulaient vous éliminer de la scène afghane?



R: Quelques Moudjahidin parmi les Taliban, qui avaient des liens avec nous, nous avaient informés trois mois auparavant que Malik comptait se rendre aux Taliban et me livrer vivant en accord avec un protocole qu'il avait signé avec eux. Il est indéniable que les Taliban manquent de détermination et de volonté propre. Vu que leur source principale de ravitaillement en armes et en argent est le Pakistan, il n'y a aucun doute que l'ISI (les services secrets pakistanais) a joué le rôle-clé dans ce cas... Comme vous le savez, Massoud, qui a essayé en vain d'obtenir ma libération pendant les trois années qu'a duré ma détention, avait des commandants Taliban comme prisonniers de guerre. Lors de ma détention, on a entendu les familles de ces commandants et les familles des prisonniers de guerre pakistanais venir dans les bureaux voisins, qui abritaient aussi ceux des services secrets à Qandahar, et se proclamer en faveur des échanges de prisonniers... mais Massoud avait bien souligné qu'il n'était pas prêt à les relâcher si je ne faisais pas partie de l'échange. Il ressortait clairement de mes entretiens avec les délégations des prisonniers de guerre que Mollah Omar n'était pas prêt à me relâcher. Mais je savais que la décision d'approuver mon échange ne relevait pas de l'autorité de Mollah Omar. Il était évident que l'ISI était directement impliqué dans cette affaire... cela a d'ailleurs été confirmé par les locaux [Qandaharis] qui étaient en liaison avec nous.



Q: Avant la chute de Hérat [aux mains des Taliban] des délégations pakistanaises de haut niveau vous avaient rencontré à plusieurs reprises. Vous aviez également rencontré des dirigeants pakistanais entre 1992 et 1994. Que vous ont-ils dit et que voulaient-ils? Aviez-vous l'impression qu'ils avaient des motifs cachés, dont les dangers auraient été dirigés contre vous?



R: J'avais même rencontré Benazir Bhutto [qui était alors Premier Ministre] au Turkménistan. Et Nasirullah Babar [qui était alors ministre de l'Intérieur du Pakistan] est venu à Hérat à plusieurs reprises. Une fois, Babar était même venu de la ville frontalière de Spin Boldak en voiture avec deux généraux pakistanais... les autres fois, il venait en avion. Ils voulaient être sûrs que nous approuvions le projet de construction d'un pipeline [gazoduc et oléoduc] et d'une ligne de chemin de fer reliant le Turkménistan à Spin Boldak à la frontière pakistanaise, via Hérat et Qandahar. Ils ont même envoyé une caravane de vivres, en guise de geste de bienveillance, qui ont été distribuées sur le chemin vers le Turkménistan et l'Ouzbékistan dans les provinces afghanes de Helmand, Qandahar et Hérat... J'avais aussi eu des discussions avec une équipe de chercheurs pakistano-turkmène chargée de réparer la route Hérat-Qandahar. Leurs efforts et discussions portaient sur les réparations de voirie et la prolongation du pipeline et du chemin de fer... A ce propos, au cours de mes réunions avec Mahmoud Mestiri (qui était alors l'envoyé spécial des Nations Unies en l'Afghanistan secondé par son adjoint Charles Santos qui est devenu fonctionnaire à la Delta Oil, membre du consortium UNOCAL basé aux Etats-Unis), celui-ci avait l'habitude de mentionner la nécessité d'avoir une "force de paix" pour ramener la paix dans le pays. Peu après, j'ai commencé à m'enquérir de la nature et de la composition de cette "force de paix neutre" à laquelle il faisait référence... parce qu'il savait bien que les gens à l'intérieur du pays étaient affiliés à des partis et des factions connues en Afghanistan... donc j'avais demandé qui constituait cette "force neutre". Il [Mestiri] nous a dit que c'étaient des Afghans et qu'on en saurait plus en temps voulu quand les deux parties au conflit auraient donné leur feu vert pour des négociations de paix... Maintenant je pense, comme à cette époque, que cette force était préparée, et on a finalement su qui ils étaient vraiment...



Q: Pendant votre détention, avez-vous remarqué des agents pakistanais de l'ISI ou même des personnages religieux pakistanais qui se rendaient souvent à Qandahar? Vous ont-ils parlé?



R: Oui, deux Pakistanais sont venus [au centre de détention] en tant que journalistes. Mais il était évident, rien que d'après leur tenue et leur turban noir, qu'ils n'étaient pas reporters... Je le leur ai dit, d'ailleurs. De même, leurs questions étaient telles que j'ai dû leur dire: "je ne suis pas sûr si vous êtes des enquêteurs ou des reporters, parce qu'un reporter ne poserait jamais ce genre de question.



Q: Qu'avez-vous appris sur le chef des Taliban Mollah Omar, son background et ses liens avec les Pakistanais? D'aucuns parlent de l'émergence spontanée et de l'origine indigène des forces Taliban; qu'en pensez-vous?



R: Les Taliban ont apporté beaucoup de leurs ressources du Pakistan, et ont même utilisé les prisonniers pour alléger les ressources militaires venues du Pakistan. C'est un fait que les Taliban avaient commencé leur effort de guerre à Spin Boldak à la frontière afghano-pakistanaise. S'ils étaient autonomes et d'origine indigène, ils auraient fait leur apparition dans une région plus centrale du pays... mais ceci prouve qu'ils ont été préparés pour ce but... la guerre s'est répandue de Spin Boldak vers Qandahar, Kabul, Hérat puis Mazar-i-Sharif dans le nord. La logistique de cette guerre démontre que ce n'était pas un phénomène spontané, mais faisait plutôt partie d'un plan bien manigancé. En ce qui concerne le Mollah Omar, je dois dire qu'il est dépourvu de toute vision ou autorité. Ces cinq dernières années ont montré qu'il ne concevait pas ce mouvement comme devant apporter des améliorations au peuple ou se lancer dans des efforts de reconstruction, que ce soit au niveau des soins de santé, de l'éducation ou des secteurs sociaux et économiques. Leur seul projet est la guerre et la destruction. Même à Qandahar, la seule réalisation du Mollah Omar a été la destruction du cinéma et son remplacement pas une mosquée. Les rues de Qandahar sont dans le même état de délabrement qu'avant; ils n'ont même pas fait construire de clinique. Une minuscule équipe des Nations Unies fournit par intermittence ses services à petite échelle avec des difficultés énormes.



Q: Parlons des initiatives afghanes de paix en cours et particulièrement l'émergence du processus de la Loya Jirga (grande assemblée) qui a été lancé par l'ancien Roi afghan. Quelle est votre avis sur la viabilité de telles initiatives?



R: Chaque Afghan accueille positivement toute initiative ou programme dont le but est de ramener la paix en Afghanistan. Je soutiens quiconque dont les efforts vont dans le sens de la paix. En ce qui concerne le processus de Rome, je dois dire qu'il n'y a aucun doute que les efforts de ces frères [membres de la Loya Jirga] sont efficaces et bons. Certains de ceux qui sont réunis [autour de l'initiative de la Loya Jirga] sont des personnalités de notre société reconnues et éduquées. Le seul point que je soulève, c'est que dans des conditions de guerre, tant que nous sommes confrontés à des batailles et des conflits, je ne pense pas pour l'instant qu'aucune Loya Jirga ou autre conférence qui recherche une solution pacifique pour l'Afghanistan ne soit pragmatique ni efficace. Tout rassemblement prenant place en dehors du pays attirera certes l'attention de la communauté internationale, mais sera faible d'un point de vue pragmatique. Je pense que le mieux serait que nos intellectuels émigrés, qui ont adhéré à "Chypre", "Rome" ou d'autres initiatives, fassent pression sur ceux qui ont provoqué la guerre et sur ceux qui ont une influence sur les pays qui attisent le feu de la guerre, de manière à mettre fin aux combats en Afghanistan. Une fois que les hostilités auront cessé, une Loya Jirga ou toute autre initiative de paix pourra être efficace et sera couronnée de succès.



Q: Général Ismaïl Khan, qu'avez-vous tiré comme leçons de toutes ces années d'expérience, maintenant que vous avez eu presque trois ans pour y réfléchir dans cette prison taliban? Dites-nous ce que vous avez appris des erreurs et des évènements passés.



R: Personne n'est à l'abri d'une erreur. Tous les êtres humains ont des hauts et des bas dans leur vie. La guerre qui se déroule actuellement rappelle les guerres anglo-afghanes (19ème s.). Malheureusement, nous, les Afghans, avons toujours lutté, mais n'avons jamais pu concrétiser nos aspirations... Je me suis toujours posé des questions à ce sujet... pourquoi les Afghans n'ont-ils pas été capables de créer un gouvernement correspondant à leurs souhaits... nous avons été confrontés au même problème après la défaite des Soviétiques. Il faut dire que malheureusement les étrangers et particulièrement les puissances occidentales et orientales nous ont considérés avec animosité. En même temps, il nous manquait un dirigeant qui pourrait agir et nous défendre contre ces dangereuses conspirations. Certaines personnes dans notre pays ont négligé l'hostilité des Occidentaux et des Orientaux à notre égard. Dans ces conditions, il est impératif que les Afghans dotés de fierté nationale et de foi et qui se sont engagés dans une Djihad (combat et/ou guerre sainte) fassent quelque chose... Mais une large part des responsabilités repose maintenant également sur ces Afghans éduqués et consciencieux qui ont quitté le pays. Ils doivent accepter quelques difficultés... et les Afghans devraient décider eux-mêmes et ensemble comment reconstruire leur pays. Cette guerre a engendré trois catégories de personnes: 1) ceux qui sont à la solde de puissances étrangères; 2) ceux qui tirent profit de la guerre; 3) ceux qui ont fait la guerre parce qu'ils n'ont pas eu le choix. Ceux qu'on appelait nos "amis" jusqu'à il y a peu de temps... attisent le feu de la guerre. Le rôle de la communauté internationale à mettre fin à la guerre en Afghanistan est important et le rôle des Nations Unies est critiquable. En réalité s'ils voulaient arrêter les ingérences étrangères dans les affaires afghanes, cette guerre prendrait fin. A une époque, lorsque j'étais à Hérat, des ambassadeurs de 26 pays, occidentaux pour la plupart (basés à Islamabad) étaient venus à Hérat avec le général Babar, ministre de l'intérieur du Pakistan. Au bureau des douanes je leur ai montré 50 tonnes d'opium et de drogues illicites que nous avions pris et confisqué. Je leur ai demandé: "Où est le représentant des N.U. et ceux qui font tant de bruit à propos des drogues illicites? En voilà, mais pourquoi personne ne nous aide et coopère avec nous?" Il fut un temps, pas si longtemps que ça, où la plupart des gens, dans diverses provinces ne savaient même pas à quoi ressemblait l'opium. Et aujourd'hui, l'opium est cultivé dans toutes les provinces afghanes... et les Taliban profitent des taxes prélevées sur ces cultures... De l'autre côté, sans les revenus tirés de l'opium, leur effort de guerre serait anéanti, parce que ce sont des contrebandiers qui mènent cette guerre. Je suis désolé que les N.U. traitent avec une bande de terroristes et de trafiquants de stupéfiants... avec ceux qui violent les droits de l'homme et les droits des femmes. Ils [les Taliban] ne considèrent même pas les femmes comme des êtres humains. J'ai interrogé un Taleb à ce sujet... qu'est-ce que vous êtes en train de faire? Je lui ai dit que le Prophète avait ordonné qu'hommes et femmes reçoivent instruction et éducation. Vous vous dites "étudiants en religion", mais comment se fait-il que vous n'ayez aucun respect pour cela? Je lui ai même demandé ce qu'il ferait si sa femme tombait malade. Il a dit qu'ils avaient décidé de nommer cinq sages-femmes dans chaque district pour soigner les femmes. Je lui ai dit que les femmes n'avaient pas que des problèmes gynécologiques, qu'elles pouvaient avoir des maladies pulmonaires, cardiaques ou autres... Il a répondu [en pachto]: "Elles mourront comme mourraient nos ancêtres." Je lui ai dit: "est-ce une réponse?" Ce n'est pas une réponse rationnelle... Je plains vraiment ces pays qui prêchent le progrès, la paix et les droits de l'homme puis se tournent et aident ces gens qui n'ont aucun respect ni pour les êtres humains, ni pour l'humanité, qui ne savent rien des droits de l'homme et des droits des femmes et qui en fait sont des terroristes. Je ne pense pas que la guerre prenne fin en Afghanistan tant que cette situation perdurera... et le rôle de ces pays à mettre une fin à la guerre est vraiment important. Je suis sûr que si ces pays coopèrent et arrêtent leurs ingérences, et si ceux qui n'interviennent pas condamnent les interventionnistes comme ils l'ont fait du temps des Soviétiques, cette guerre finira par se terminer.



Q: Merci d'avoir bien voulu consacrer votre temps à cette interview.
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MessageSujet: Re: interview d Ismael khan apres avoir echapé aux talibans   interview d Ismael khan apres avoir echapé aux talibans Icon_minitimeSam 6 Fév - 23:01

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