Mario Balotelli, 19 ans, né à Palerme de parents ghanéens

Un Italien "de série B" pour sauver les Azzuri,
par Philippe Ridet




Imaginons que Jean-Marie Le Pen, président du Front national, prenne la tête d'une campagne pour promouvoir Lilian Thuram à la tête de l'équipe de France de football... Toutes proportions gardées, c'est quasiment une révolution de cet ordre qui s'est produite en Italie avec la publication, le 5 mars, dans le quotidien du parti xénophobe de la Ligue du Nord, La Padania, d'un article appelant le sélectionneur des Azzuri, Marcello Lippi, à enrôler en équipe nationale Mario Balotelli, 19 ans, né à Palerme de parents ghanéens.

Deux jours auparavant, l'attaquant de l'Inter Milan et deux autres joueurs noirs avaient illuminé de leur classe l'équipe italienne des Espoirs en battant (2-0) la Hongrie, alors que leurs aînés se contentaient d'un match nul modeste et ennuyeux contre le Cameroun (0-0).

"Une révolution est impossible, voire impensable, écrit le quotidien le plus réputé aussi bien pour ses attaques populistes contre les immigrés que pour son esprit d'ouverture. Pourtant, quelques ajustements peuvent encore être faits. Et, parmi ceux-ci, la sélection et l'utilisation sur le terrain de Mario Balotelli."

Le journal rappelle encore que l'attaquant et ses coéquipiers de couleur sont "italiens, qu'ils sont nés dans notre pays, qu'ils y ont étudié et appris les premiers rudiments de football". Décidément à contre-courant, il conclut : "Depuis des décennies, certains préjugés ont été dépassés. Il suffit de voir comment sont composées les équipes de France, d'Angleterre ou d'Allemagne." Cet appel a peut-être plus à voir avec l'inquiétude que soulèvent, à trois mois du Mondial sud-africain, les prestations de la peu brillante équipe d'Italie, tenante du titre, qu'avec un sursaut de générosité. Mais il s'inscrit dans le débat du moment.

Sifflé par les tifosi racistes qui ne supportent pas qu'on puisse être noir et italien, critiqué pour son attitude renfermée, ombrageuse et imprévisible, "Super Mario" (comme le surnomme la presse) est devenu, bien malgré lui, un enjeu sportif, politique et médiatique. A chacune de ses performances, la pression se fait plus forte sur Marcello Lippi afin qu'il fasse de Balotelli le "sauveur" des Azzuri en péril aussi bien que le symbole de l'Italie multiethnique et réconciliée.

Proche du président de l'Assemblée nationale, Gianfranco Fini, la revue en ligne Farefuturoweb n'hésite pas à mettre les pieds dans le plat : "Balotelli est contesté pour ce qu'il représente : il est la démonstration qu'un garçon venant d'un autre continent, avec une histoire difficile comme la sienne, peut s'intégrer et émerger. Techniquement, Balotelli est indiscutable ; physiquement, il est monstrueux. De la classe, il en a à revendre. Bref, l'attaquant parfait. Pourtant, il a un défaut : il est noir et aussi italien. L'emmener en Afrique du Sud comme réponse à ceux qui le contestent ne résoudrait pas le problème de l'intolérance. Mais ce serait un signal. Ce serait mettre dos au mur tous ceux qui pensent qu'il ne peut revêtir le maillot bleu pour des raisons avant tout biologiques."

Moins politiques, les déclarations des anciens sélectionneurs Enzo Bearzot (vainqueur du Mondial 1982) et Arrigho Sacchi (finaliste en 1990) font valoir "la puissance extraordinaire" de l'attaquant de l'Inter. Ses défauts ? Son humeur sombre, qui pourrait faire hésiter Marcello Lippi ? "C'est une carapace qui l'isole des autres", explique Bearzot. "Ses comportements ne sont pas toujours très mûrs, reprend Sacchi, mais c'est quelqu'un qui ne rompt pas l'harmonie des vestiaires." Quant aux lecteurs internautes de la bible du football transalpin, le quotidien La Gazzetta dello sport, ils sont 76 % à se lever pour Balotelli.

Dans ce concert de déclarations, il ne manque justement que la voix de Mario Balotelli. Taiseux et discret hors du terrain, le joueur n'a fait aucune déclaration sur le débat qu'il suscite. Une manière silencieuse de refuser d'être un porte-étendard.

Pourtant, son histoire est symbolique des enfants d'immigrés nés sur le sol de la Péninsule, où prévaut le droit du sang. Adopté très tôt par une famille de Brescia (Lombardie) qui lui a donné son nom, Balotelli n'est devenu italien qu'à 18 ans, le 5 août 2008. "Jusqu'à cet âge, j'étais un Italien de série B", a-t-il affirmé lors d'une ses rares déclarations.

Une Italie black-blanc-beur comme la France victorieuse en 1998 ? L'article de La Padania a révélé combien le chemin sera long pour y parvenir. Renzo Bossi, le fils d'Umberto, fondateur et président de la Ligue du Nord, a balayé cette hypothèse.

Lui qui, à ses heures perdues, est aussi le manager général de l'équipe de football de Padanie (les régions septentrionales) n'en veut pas : "Nous avons tellement de bons joueurs du terroir qu'il n'y a pas de place pour les nouveaux arrivants", a-t-il dit. "D'ailleurs, a-t-il continué, en harmonie avec les positions autonomistes du parti, je ne m'intéresse pas à l'équipe nationale d'Italie. Je ne sais pas dans quelles compétitions elle est engagée, ni même qui est Balotelli."

magnifique vidéo de Balotelli où il demande de la boucler aux suporters nazi milanais :

Salam,

Merci pour cette vidéo

Le jeu d'équipe à 3minutes 40 est excellent rien à dire 10/10!!!