Le monde immonde

Le monde immonde

Étymologiquement, « immonde » est l'antonyme de « monde », voilà qui en dit beaucoup sur la nature des choses et sur le travail que l'on qualifierait de spirituel.

Le monde, du latin mundus qui veut dire « propre » « poli », « gracieux », « pur » et, comme nom, « le monde », « l'univers » etc., se manifeste comme chose proprement immonde, hideuse, maudite lorsqu'on ouvre les yeux et contemple le désolant spectacle qu'il nous offre. Quoiqu'il soit « pur » essentiellement, partout l'on voit souffrance, oppression, fausseté et ces enfants des ténèbres semblent se multiplier de plus en plus à mesure que l'on avance dans le temps. L'immondice se répand de plus en plus et se renforce, au grand regret du spectateur impuissant.

Cela dit, cet aspect immonde du monde ne se manifeste pas à tous, comme il y a, en réalité, autant de mondes qu'il y a de spectateurs, les uns le voient plutôt ténébreux, d'autres le considèrent comme lumineux, d'autres encore ne semblent rien voir et avancent sereinement avec une certaine cécité. Pour les uns le monde est donc semblable à un séjour paisible de jouissances, pour d'autres il ressemblerait plutôt à l'enfer. C'est pour cette seconde catégorie qu'il se révèle immonde lorsqu'il y a une certaine prise de conscience et c'est là qu'un certain travail sur divers plans peut commencer.

Le spectateur, affligé par les souffrances indicibles dont il est témoin, par les absurdités risibles qui s'offrent chaque jour à ses yeux, par le règne de l'oppression qu'il décèle sous tous les cieux et plus ou moins ennuyé par les difficultés ordinaires de la vie, commence à vouloir changer les choses. Il peut entreprendre mille efforts, sans voir de résultats conséquents, jusqu'à comprendre le rapport entre « monde » et « immonde » et la raison pour laquelle il voit de l' « immondice » dans ce qui est censé être « pur ».

Tout est expérience, et toute expérience est la projection colorée de telle ou telle manière d'une lumière intérieure. Cela étant, l'aspect « immonde » du monde est aussi une projection de ladite lumière colorée de cette teinte pour des raisons complexes liées à divers paramètres et relatives la vocation individuelle. La question qui se pose alors est la suivante : Pourquoi les uns voient le monde comme séjour des délices et d'autres comme un enfer peuplé de souffrants et de bourreaux ? Cela est lié au rôle de chacun, lequel est assigné par le Ciel.

Ceux qui voient l'enfer doivent, directement ou non, faire l'expérience de la souffrance – entre autres – et leur fonction consiste, en partie du moins, à transformer l' « immonde » en « monde ». C'est pour cela que « souffrir » n'est pas une punition, mais, peut-être, un privilège (dont il ne faut s'enorgueillir). En d'autres termes, ils ont vocation à « polir » la souffrance, qui est l'effet de l'ignorance dont découlent tous les autres fléaux, afin de contempler finalement le monde, la création toute entière, dans sa pureté réelle et inaltérable qui était polluée en apparence par les ténèbres. La « réalisation » a, entre autres effets, cette contemplation de la pureté par la pureté et, comme le spectateur est « pureté » alors, il rayonne car plus rien ne vient « colorer » la lumière initiale dont il était question. L'immonde devient monde et l'on ne voit plus que « lumière ».