C'est très malheureux de savoir que plus de 100 bébés sont morts ces derniers mois avec le froid, et voilà où va l'argent du peuple.
L’eldorado afghan
Bassirat.net
01 Avril 2005
Plus sûr que l’Irak, l’Afghanistan attire les chercheurs d’or de la planète et une grande partie de l’aide occidentale retourne aux expatriés occidentaux qui touchent des salaires faramineux pour bâtir les fondations d’un ةtat censé être viable.
Ponts d’or pour experts et consultants de tous poils
Alors que près de 4 milliards de $ alloués par la communauté internationale ont été dépensés pour la reconstruction de l’Afghanistan, la plus grande partie de Kaboul reste, trois ans après la chute des taliban, une sans eau courante ni système de canalisation. L’électricité n’est disponible que quelques heures par jour et les routes sont dans un piteux état lorsqu’elles existent. En revanche, à Hérât, où la communauté internationale est beaucoup moins présente ou néfaste selon les opinions, les routes sont goudronnées, l’électricité, acheminée depuis l’Iran et le Turkménistan, est disponible 24 heures sur 24, en témoigne le système d’éclairage public mis en place ces derniers mois.
Kaboul et Hérât sont deux villes importantes, mais près de 80 % de Afghans vivent dans des zones rurales où les ONG sont très peu présentes en raison de l’insécurité notamment. Pourtant, « 20,4 % de la population rurale consomment moins de 2 070 kilocalories par jour. ہ cette pauvreté s’ajoutent le manque de services sociaux, une piètre situation en termes de santé, d’instruction et de nutrition, des inégalités entre hommes et femmes et des déplacements de population. La sécheresse touche gravement plus de la moitié des Afghans », selon le Rapport sur le développement humain de l’Afghanistan publié en février dernier par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).
Comment en est-on arrivé là ? Dans un article intitulé Afghaniscam (contraction d’Afghanistan et de scam, mot anglais signifiant escroquerie), la journaliste Susanne Koelbl met en lumière les dérives d’un système qui, fondé à des fins politiques par l’administration Bush, enrichit les expatriés sans servir les Afghans.
Embourbée en Irak à la veille des élections présidentielles américaines, l’administration Bush s’est mise en quête d’une success-story en matière de politique étrangère. Dirigée par un néoconservateur d’origine afghane, l’ambassade américaine à Kaboul a reçu pour mission au printemps dernier de réaliser un « miracle » consistant à « reconstruire l’Afghanistan en une nuit », écrit Susanne Koelbl. Le plan prévoyait la construction de 700 cliniques, écoles et centrales électriques en trois mois.
Dans l’urgence, des milliers d’experts et de spécialistes étrangers ont été embauchés pour superviser ces projets à des conditions financières très avantageuses (entre 800 et 1 000 $ par jour). Des experts ont également été placés dans les différents ministères. Ainsi, l’ancien ministre des Finances Asharf Ghani était secondé par plus de 100 experts américains et britanniques. Son successeur, Anwar ul-Haq Ahadi, a décidé de lancer un audit pour établir si les expatriés sont réellement utiles à son ministère. Selon les informations recueillies par Susanne Koelbl, plus de la moitié d’entre eux étaient considérés comme incompétents.
Tout cela à un coût financier très élevé. Selon un diplomate allemand, au moins 25 % de l’aide américaine est engloutie par les émoluments des experts étrangers qui coordonnent la politique d’aide des ةtats-Unis en Afghanistan.
Les ONG mises en accusation
En décembre dernier, Ramazan Bachardoust, le ministre de la Palification, annonçait avoir préparé un décret portant sur la fermeture de 1 935 ONG, dont 260 étrangères, accusées de dilapider des fortunes dans leurs frais de fonctionnement. « Ces ONG ne coopèrent pas avec le gouvernement ou les autorités d'Afghanistan, elles ne remettent aucun bilan des résultats de leur travail au ministère du Plan et elles travaillent à leur propre profit », déclarait le ministre. En effet, seulement 437 ONG sur un total de 2 355 avaient accepté d’ouvrir leurs livres de comptes au gouvernement afghan.
En septembre, Ramazan Bachardoust avait déjà vivement attaqué les ONG opérant en Afghanistan pour leur manière de gérer les dons de la communauté internationale pour la reconstruction du pays. Il leur avait reproché d’utiliser « la majorité de l’argent destiné au peuple », ajoutant que, de ce fait, les violences contre les ONG étaient « inévitables ». « Je crains le pire pour les organisations non gouvernementales en Afghanistan car les Afghans sont convaincus qu'elles ont utilisé tout l'argent destiné au peuple », estimait-il. Commentant le départ d'Afghanistan de l'organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF) pour des raisons de sécurité [1], il a affirmé que « les Afghans prient sincèrement qu'ils partent. Ce genre d'ONG, on n'en veut pas ».
Selon lui, la communauté internationale a commis une erreur stratégique lors de la conférence de Tokyo en janvier 2002 en confiant la reconstruction du pays aux ONG et à l’ONU, au lieu de la céder à des entreprises privées afghanes. « Les entreprises afghanes n'ont aucune chance d'obtenir un marché. Le jeu est faussé dès le départ avec la compétition entre des organisations humanitaires qui ne payent pas d'impôts et les entreprises internationales et nationales », a-t-il estimé. Cette analyse est partagée par de nombreux Afghans.
ہ la chute du régime tâleb, l’Afghanistan a reçu d’importantes promesses de dons. Cette manne financière accordée à la reconstruction de l’Afghanistan a attiré un nombre record d’ONG. Actuellement, environ 2 300 organisations humanitaires nationales travaillent en Afghanistan, et 337 organisations internationales y sont implantées. Sous le régime des taliban, seules quelques ONG étaient présentes. (Chiffres du ministère du Plan)
Cette arrivée massive d’ONG en Afghanistan a complètement déstructuré le marché du travail afghan et provoqué une flambée les prix de l’immobilier. Ainsi, un Afghan éduqué ira plutôt offir ses services (il sera très probablement débauché avant) à une ONG qui l'emploiera comme chauffeur pour 500 $ par mois, le gouvernement ne pouvant lui proposer qu'un salaire de 40 $ par mois. Certaines organisations humanitaires ont perdu l'esprit qui les animait et se comportent comme des entreprises privées, la rentabilité et la conquête de nouveaux marchés passant au premier plan de leurs préoccupations.
Les ONG ont réclamé et obtenu sa tête. Avec des promesses de dons de 15 milliards de $ jusqu’en 2009, Hamid Karzaï ne peut pas se passer de l’aide internationale. Peu importe qu’une partie de cet argent enrichisse des experts étrangers et des travailleurs humanitaires. Mais le réveil sera dur lorsque la source tarie, chercheurs d’or et humanitaires auront quitté l’Afghanistan pour des contrées plus rémunératrices. Le pays se retrouvera avec quelques infrastructures mais pas de personnel formé pour les gérer et pour en construire de nouvelles.
[1] Le 2 juin, un véhicule portant le sigle de MSF a été attaqué dans les environs du village de Khair Khana, à l’est de Qaleh-i Now, le chef-lieu de la province de Badghis. Les cinq occupants du véhicule ont été abattus. Hélène de Beir (de nationalité belge, coordinatrice de programme), Fasil Ahmad (de nationalité afghane, traducteur), Besmillah (de nationalité afghane, chauffeur), Egil Tynaes (de nationalité norvégienne, médecin), Willem Kwint (de nationalité néerlandaise, logisticien) travaillaient pour la section hollandaise de MSF, dans une région rurale où ils menaient notamment un programme antituberculeux.