Afghanistan - Droits de l’Homme
Battus jusqu’à en avoir les muscles déchirés
Bassirat.net
19 Août 2005
Le procès de Willie Brand, soldat réserviste de la police militaire américaine accusé d’avoir battu à mort deux Afghans détenus sur la base de Bagram, a permis la confirmation des mauvais traitements infligés aux prisonniers dans les geôles américaines.
En effet, selon le lieutenant-colonel Elizabeth Rose, médecin légiste de l’armée de l’air, Dilawsar, la victime alors âgée de vingt-deux ans, a été battu si fort que les muscles de ses jambes se sont déchirés. Ces blessures ont pu être provoquées par des coups de genoux ou de poings répétés. Les résultats de l’autopsie de l’autre victime, le mollah Habiboullah, ont prouvé qu’il avait également subi le même traitement.
Dilawar, un jeune paysan originaire de Yakoubi, dans la province de Khôst, exerçait aussi le métier de taxi pour améliorer le quotidien. Au début du mois de décembre 2002, il a été arrêté, en compagnie de deux autres personnes, à proximité de la base américaine de Salerno, dans sa province natale.
Ce matin là, deux roquettes avaient été tirées en direction de la base. Vers midi, en arrêtant le véhicule de Dilawar, les soldats afghans qui gardent le périmètre extérieur de la base, pensent avoir mis la main sur les responsables de l’attaque. En effet, ils découvrent dans le coffre un stabilisateur, machine qui permet de fournir du courant électrique en continu. Cet appareil aurait pu servir à mettre à feu les roquettes. En outre, ils trouvent un talkie-walkie hors d’usage sur l’un des deux passagers.
Le 5 décembre, Dilawar est transféré à Bagram. Le 10 décembre, son corps inerte a été découvert dans sa cellule. Selon l’armée américaine, il serait mort d’une attaque cardiaque. Son corps a été remis à sa famille le 17 janvier, accompagné d’un certificat de décès établi par un médecin légiste militaire. Dans la partie réservée aux causes de la mort, il a coché la case homicide, écartant les trois autres possibilités (accident, mort naturelle, suicide).
Willie Brand, 26 ans, a été reconnu coupable de la mort de Dilawar. Toutefois, il n’encourt que 16 jours de détention dans une prison militaire. En revanche, il a été acquitté pour la mort du mollah Habiboullah. Ses avocats ont mis en avant le fait qu’il était mal préparé à accomplir ses fonctions et qu’il n’avait fait que suivre les ordres. L’accusation a affirmé que l’accusé n’a jamais reçu l’ordre de maltraiter les prisonniers. Aucun supérieur hiérarchique du première classe Brand n’a été mis en accusation dans cette affaire.
Une nouvelle fois, ce sont les lampistes qui trinquent dans les affaires de mauvais traitements et de tortures dont ont été victimes des détenus en Afghanistan et en Irak. Pourtant, de nombreux articles publiés dans la presse américaine établissent clairement un lien entre l’Afghanistan et l’Irak et l’implication d’officiers.
Le lien entre Bagram et la prison irakienne d’Abou Ghraïb est le désormais sinistre 519e Bataillon du renseignement militaire, et tout particulièrement la compagnie A. Cette unité a été déployée en Afghanistan dès le mois de juillet 2002 avant d’être transférée en Irak en mars 2003 après un intermède de deux mois aux ةtats-Unis. ہ sa tête, le capitaine féminin Carolyn Wood semble avoir joué un rôle clé dans la mise en place des méthodes d’interrogatoire des prisonniers qui sont aujourd’hui presque unanimement condamnées.
Dans une déposition faite en mai 2004 devant le Congrès, le colonel Marc Warren, le conseiller juridique des troupes américaines en Irak, a loué l’esprit d’initiative dont le capitaine a fait preuve à Bagram alors que ses supérieurs tardaient à lui donner des directives claires en matière de techniques d’interrogatoire. Il a affirmé que ces techniques ont ensuite été appliquées en Irak.
La transcription d’une audience qui s’est déroulée le 2 avril 2004 à Camp Victory, à Bagdad, et que le Washington Post a publié, renforce les déclarations du colonel Waren. L’avocat du capitaine Reese, le commandant de la police militaire chargée du centre de détention de Bagdad, a affirmé que son client témoignerait que le capitaine Carolyn Wood était « impliquée dans des interrogatoires intensifs de détenus, qu’elle justifiait certaines activités et soulignait que les faits incriminés étaient des procédures standard ».
L’enquête sur la mort à Bagram en décembre 2002 de Dilawar et du mollah Habiboullah n’a été ouverte qu’en mars 2003 suite à la publication d’un article dans le New York Times. En mai 2004, le commandement d'enquêtes criminelles de l'armée américaine (CID) a remis aux autorités un rapport classifié qui recommande la mise en examen de 28 personnes. ہ ce jour, seul le première classe Brand a été poursuivi et le capitaine Wood, qui en décembre 2002 était responsable des interrogatoires à Bagram lors de la mort de Dilawar et de Habiboullah, ne figure même pas sur cette liste.