Retoure des pro-URSS en Afghanistan
En Afghanistan, les anciens communistes tentent un retour en force à l'occasion des élections législatives
Sur le pare-brise des voitures, la photo de l'ex-président Mohammed Najibullah, dernier chef d'Etat communiste renversé par les moudjahidins en 1992, puis pendu par les talibans en 1996, ne choque personne à Gardez, la capitale de la province de Paktia, au sud-est de Kaboul. Sa tombe, dans son village natal, à quelques kilomètres de la ville, est respectée, et les nostalgiques de la paix qui régnait dans les villes sous son régime sont encore nombreux.
A la veille des élections législatives afghanes du dimanche 18 septembre * les premières depuis 1969 *, sept candidats, quatre agents électoraux et trois policiers, dont un chef de district, ont été tués dans des attaques attribuées aux talibans.
Les anciens communistes font un retour en force dans les élections législatives afghanes du 18 septembre et, pour peu qu'ils s'unissent, ils pourraient bien former le seul groupe multiethnique du futur Parlement. D'autant plus qu'ils pourraient recevoir le soutien des candidats indépendants de la société civile, coincés entre les moudjahidins fondamentalistes d'un côté et les progouvernementaux, tribaux ou afghans de l'étranger de l'autre. "Les communistes ne sont pas corrompus.
Dans les villes, les gens leur font confiance, mais ils ont un problème dans les campagnes", affirme Ahmed Joyenda, président de la Fondation pour la culture et la société civile, lui-même candidat à Kaboul.
"Pourquoi ne pas voter pour les anciens communistes ? Qu'est-ce que nous ont apporté les moudjahidins ?" affirme à Kaboul, Naseem, un petit commerçant. "Communiste ou pas, toute personne qui peut aider à reconstruire le pays, je vote pour lui", renchérit, à Gheir Abwa, dans la province orientale du Nangarhar, Daria Khan, un fermier désenchanté par le gouvernement du président Hamid Karzaï.
"Si les troupes étrangères n'étaient pas là, les communistes ne seraient pas revenus", affirme toutefois Haji Sharif, un chef tribal. "Les moudjahidins utilisent leur présence pour faire peur à la population", ajoute-t-il.
Lors de son unique meeting électoral dans son fief de Paghman, au nord-est de Kaboul, le leader fondamentaliste Abdul Rasoul Sayyaf a pris soin d'appeler ses fidèles à ne pas voter communiste, et plusieurs oulémas ont aussi mis en garde la population contre leur retour.
"Les communistes ne devraient pas avoir l'autorisation de travailler en Afghanistan", affirme le très conservateur chef de la Cour suprême, Abdel Hadi Shinwari.
Les anciens communistes ont des candidats dans de très nombreuses provinces, mais ils se présentent en ordre dispersé.
Les années n'ont pas effacé les divisions anciennes entre Khalki et Parchami, les deux ailes du Parti communiste afghan, et au moins dix ou quinze partis politiques issus de la gauche ont reçu l'agrément officiel. Le Hizb-e Mutahid-e Milli (Parti national unifié, PNU) du général Nurul Haq Oloomi et de la candidate Suriya Parlika, a attendu pendant près d'un an son enregistrement en raison de l'opposition de certains hauts responsables "djihadis" qui avaient fait la guerre contre les Soviétiques. Le PNU présente 68 candidats dans plus de 30 provinces sur les 34 que compte l'Afghanistan.
"Nous appelons nos partisans à voter pour l'unité nationale et à accorder leur confiance à ceux qui peuvent sauvegarder la dignité du pays", affirme le général Oloomi. "Aujourd'hui, celle-ci a été compromise. Nous avons des lois, mais celles-ci ne sont pas souveraines, une Constitution mais personne pour l'appliquer, un gouvernement fait de corrompus ou d'immigrants qui s'occupent de s'enrichir", déclare-t-il.
RÉSEAUX PUISSANTS
Le général Oloomi, qui se présente à Kandahar, l'ancien fief des talibans, ne renie pas son passé. "C'était une guerre dans laquelle le monde était engagé, les deux superpuissances -Etats-Unis et Union soviétique- , nos voisins et le peuple afghan. Ce n'était pas simple.
Les temps étaient durs", dit-il, avant d'ajouter : "Nous avons essayé de ramener la paix et nous avons mené beaucoup de négociations avec les moudjahidins." Le général Oloomi compte visiblement sur le rejet actuel des moudjahidins et la déception face aux dérives du gouvernement pour attirer les électeurs.
"Les gens savent que les moudjahidins les ont trahis et continueront. Nous n'avons jamais trahi le peuple et nous sommes honnêtes", dit-il.
Organisés, disciplinés, les anciens communistes ont encore des réseaux puissants dans l'administration et les services de sécurité. Ils pourraient aussi bénéficier d'un système électoral qui implique de répartir intelligemment ses voix pour obtenir le maximum de résultats.
Selon plusieurs analystes électoraux, les anciens communistes pourraient obtenir de 15 à 20 sièges. Suffisamment, si cela était le cas, pour pouvoir constituer un groupe, avec des indépendants, qui incarnerait la véritable opposition au sein d'une Assemblée qui s'annonce majoritairement très conservatrice et fondamentaliste.