Trois morts ?

Trois morts ?

Il semble y avoir trois morts clairement discernables, quoique le sens même mot "mort" soit loin d'être acquis.

Il y a d'abord la mort physique et la moins importante. Celle-ci est une simple séparation de l'esprit d'avec le corps et l'âme qui, tous deux, prennent aussitôt le chemin de la désintégration.

Cette mort est relativement anodine, mais elle a cependant une importance particulière en ceci que, dès la fin du processus (rappelons que la mort commence avant l'instant même et s'achève après), une certaine vision du Réel est offerte à tous et si l'on arrive à discerner en cet instant l'illusoire du Réel, l'on est définitivement sauvé... Rares doivent être ceux qui parviennent à saisir cette chance.

Il y a ensuite une mort, plus importante, que l'on pourrait qualifier d'"individuelle". Cette mort-ci correspond à la disparition de l'individu, c'est-à-dire à la disparition de la conscience de l'individualité ou celle la conscience de l'altérité. L'homme qui meurt dans son individualité commence à expérimenter dans le monde de l'Unité, les aspects de sa personnalité qu'il est amené à expérimenter. L'homme continue de vivre, comme un individu aux yeux des autres, mais de son point de vue, il n'y a absolument plus aucun "individu", aucun "moi" et aucune altérité.

Cette mort est une étape nécessaire de la Voie, mais elle n'en pas la finalité.

La troisième mort serait celle que l'on pourrait qualifier de "personnelle" ou de "spirituelle". Cette mort intervient lorsque l'ensemble des facettes, dirait-on, de la personnalité - donc des facettes supra-individuelles par définition - sont expérimentées pleinement. Où cette dernière mort débouche-t-elle ? Nul ne peut le dire... parce qu'on sort définitivement et radicalement de l'ordre de l'exprimable.

En somme, puisque nous sommes une trinité, nous traversons par trois morts, celle du corps, celle de l'âme et celle de l'esprit et, sauf erreur, ce sont ces deux dernières morts que l'on désigne respectivement par les termes "fanâ" et "baqâ" dans le soufisme, "extinction" et "subsistance".

Cela étant, si l'on entre dans le détail des choses, on voit qu'en réalité il y a un nombre inconcevable de morts au cours de l'existence puisque, en fait, ce que l'on perçoit comme une continuité est une succession incessante et d'une rapidité fulgurante d'images, ponctuées par des morts et des naissances...