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De retour d'une courte visite en Afghanistan, le secrétaire américain à la défense, Robert Gates, a pris, lundi 11 mai, l'une de ces décisions spectaculaires dont il est devenu coutumier : il a limogé le commandant en chef des forces en Afghanistan, le général David McKiernan. L'officier n'était en place que depuis onze mois. C'est la première fois qu'un général est limogé sur un théâtre d'opérations depuis Douglas MacArthur, en 1951, pendant la guerre de Corée.
Le général McKiernan doit être remplacé par un homme "de l'ombre", le général Stanley McChrystal, ancien commandant des opérations spéciales, rompu aux opérations de contre-insurrection. L'une de ses unités est créditée de la capture de Saddam Hussein, en décembre 2003, et de l'élimination du chef d'Al-Qaida en Irak, Abou Moussab Al-Zarkaoui, en juin 2006.
Le changement témoigne des priorités de l'administration Obama : traquer les responsables des attaques plutôt que de tomber dans le piège d'avoir à recourir à des bombardements qui tuent les civils.
"Aujourd'hui, nous avons une nouvelle politique définie par notre nouveau président. Nous avons une nouvelle stratégie, une nouvelle mission et un nouvel ambassadeur. Je crois qu'il faut aussi un nouveau commandement militaire", a expliqué M. Gates dans une conférence de presse. Il n'a pas cité de raisons précises pour la mise à l'écart de l'officier, sinon la nécessité de faire du neuf.
"Je suis venu à la conviction qu'un regard nouveau est dans notre meilleur intérêt", a déclaré le secrétaire à la défense. La Maison Blanche a publié peu après un communiqué indiquant que le président trouvait effectivement que "la mise en œuvre d'une nouvelle stratégie appelle un nouveau leadership militaire".
M. Gates n'a pas été, semble-t-il, impressionné par son dernier séjour à Kaboul. Le général McKierman, un militaire d'une facture assez classique, a trente-sept ans de carrière. Son approche est décrite par les collaborateurs du ministre comme manquant de "l'agilité" nécessaire à la lutte anti-insurrectionnelle.
Son successeur, qui est doublé d'un adjoint, le général David Rodriguez, un ancien commandant de la 82e aéroportée, est décrit comme un bulldozer. Les forces spéciales ont été mises en cause pour des violences à l'encontre des prisonniers irakiens. Onze membres auraient été exclus, 36 autres feraient l'objet de sanctions disciplinaires.
"NOUS DEVONS FAIRE MIEUX"
Juste avant son arrivée à Kaboul, a aussi été enregistrée l'une des "bavures" les plus meurtrières que les forces de l'OTAN aient connues. M. Gates a indiqué ne pas pouvoir préciser encore le bilan, mais, selon le président afghan Hamid Karzaï, les bombardements américains auraient fait plus de cent morts.
Le ministre a démenti aussi que cet incident ait pesé dans sa décision de limoger le général McKiernan. "Le problème ne peut pas être résolu seulement par des moyens militaires, a-t-il répété. Mais du point de vue militaire, nous devons quand même faire mieux." Hamid Karzaï a demandé la suspension des opérations aériennes, ce que la partie américaine a une nouvelle fois exclu. Selon Robert Gates, les statistiques de l'armée indiquent que les pertes civiles ont baissé de 40% par rapport à l'an dernier.
Depuis son arrivée, le général McKiernan avait constamment demandé des renforts – 30 000 si possible –, mais n'avait obtenu que 17 000 soldats supplémentaires, qui arriveront à l'automne et porteront les effectifs à 68 000 hommes. Le président Obama avait clairement dit, en annonçant sa stratégie le 27 mars, que l'Afghanistan ne serait pas gagné exclusivement par des moyens militaires, qu'il y aurait un "surge" ("renfort") de civils et que l'armée ne serait qu'une composante du plan.
Le changement de personnel pour le commandement afghan reflète aussi le souci de Robert Gates d'adapter l'armée aux nouvelles menaces et aux nouveaux conflits mettant en cause des acteurs non étatiques.
Le budget qu'il a préparé, et qu'il doit défendre mercredi 13 mai devant la commission des forces armées du Congrès, prévoit l'arrêt complet de certains programmes d'armement, pour augmenter les effectifs des forces spéciales ou les missions de reconnaissance. Pour la première fois, les crédits affectés à l'Afghanistan sont supérieurs à ceux de l'Irak.