Les troublantes démissions de deux responsables afghans

Les troublantes démissions de deux responsables afghans


Le ministre de l'Intérieur, Hanif Atmar, devant la presse lundi à Kaboul, après sa démission.
Crédits photo : AP

Le ministre de l'Intérieur et le chef des services secrets
étaient appréciés des Américains.

Hamid Karzaï vient à nouveau de prendre Washington de court.
Mais cette fois, les Américains, qui ont déroulé le tapis rouge au président
afghan à la mi-mai, semblent bien décidés à s'abstenir de toute critique
ouverte à son égard. La priorité n'est-elle pas de gagner la guerre? Or, les
forces de l'Otan en Afghanistan sont sur le fil du rasoir. Et Karzaï semble
être devenu incontournable pour ramener les «bons talibans», voire les autres,
au bercail. Pour autant, l'annonce, dimanche soir, de la démission de deux
personnages clefs à Kaboul, deux hommes appréciés des États-Unis et en qui ils
avaient pleinement confiance, n'a rien de rassurant.

Hanif Atmar, le ministre de l'Intérieur, et Amrullah Saleh,
le chef du NDS, les services secrets afghans, ont rendu leur maroquin après les
attaques qui sont venues troubler l'ouverture de la «Jirga de la paix», la
semaine dernière à Kaboul. Des talibans revêtus d'une burqa, bardés d'explosifs
et armés de lance-roquettes ont essayé de s'en prendre à l'assemblée réunie
sous une tente au moment où le président afghan était en train de prononcer son
discours inaugural. Il n'y eut ni mort ni blessé, mais Karzaï a dû
s'interrompre.


Graves dissensions au sein du pouvoir

Hamid Karzaï a aussitôt nommé Munir Mangal, le numéro deux
du ministère de l'Intérieur, à la place de son chef, et Ibrahim Spinzada, à la
tête des services secrets. «Nous travaillions en parfaite harmonie avec les
deux ministres qui sont partis et il faudra du temps pour que leurs successeurs
prennent le rythme, un temps précieux que nous n'avons pas», a confié un
responsable américain au Los Angeles Times. Mais le général Stanley McChrystal,
le commandant des forces internationales en Afghanistan, a aussitôt minimisé
l'incident. «Je reste confiant dans l'autorité du président Karzaï et sa
capacité à nommer des remplaçants crédibles pour mener ces deux organisations
cruciales (l'Intérieur et les services secrets) et protéger le peuple afghan»,
a-t-il déclaré.

Robert Gates, le secrétaire américain à la Défense, lui a
emboîté le pas, affirmant lundi: «Je ne pense pas que cela pose de grands
problèmes pour l'effort de réconciliation nationale. Et de plus, il s'agit
d'une affaire intérieure pour les Afghans.» Gates a cependant espéré que
«Karzaï nommerait à la place de ceux qui sont partis des personnes d'un aussi
bon calibre».

Nombre d'analystes jugent toutefois que la passe d'armes
entre le président afghan et ses ministres témoigne de graves dissensions au
sein du pouvoir sur la manière de gérer la réconciliation avec les talibans.
«Saleh était très hostile au programme de réconciliation de Karzaï», a indiqué
à l'AFP un diplomate occidental à Kaboul. Quant à Atmar, il aurait agacé le
chef de l'État avec son obsession de lutter contre la corruption qui gangrène
le pays. Enfin, tous deux auraient très mal pris l'annonce de la création d'une
commission chargée de départager les bons et les mauvais talibans parmi ceux
qui sont détenus dans les geôles afghanes.


Source: LeFigaro