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 Dialogue oiseux

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Yama
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Yama


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MessageSujet: Dialogue oiseux   Dialogue oiseux Icon_minitimeMer 5 Sep - 11:47

Dialogue oiseux
De la Voie


― J'ai...
― Des traits défaits, un pâle visage et un poids considérable en toi qui ralentit ta démarche, je le vois bien. Pourquoi ?
― Mon infortune est-elle si visible ?
― Pas seulement ton infortune, mais passons. Qu'est-ce qui t'amène mon cher ?
― Eh bien... Je suis malheureux, désespéré et je ne sais que faire...
― Quoi de plus heureux ? Quand l'homme ne sait plus que faire, c'est que l'ego a baissé les bras devant l'ampleur du phénomène, ou la gravité de l'expérience vécue et il peut y avoir, dans ces moments, quelque perche céleste à saisir...
― Je ne sens, pour ma part, que les coups de bâton dont me rosse l'existence, point de perche et... je crois que je suis à bout de force.
― Ah ! C'est merveilleux ! Je me réjouis d'avance et te souhaite une prompte mort !
― Arrête de plaisanter... Je suis venu te confier mes peines et non rire en ta compagnie !
― Mais je ne plaisante pas, tu as dit être à bout de force, peut-être que... Mais passons ! Que t'arrive-t-il donc ?
― En fait, comme je te l'avais déjà dit, je suis engagé dans la Voie et... le problème est que je n'y trouve pas exactement ce que je cherchais. Je pensais qu'après l'initiation j'allais accéder à la paix, vivre des choses particulières, connaître des états plus ou moins extraordinaires, avoir éventuellement quelques pouvoirs spéciaux et vivre définitivement dans la grâce divine. La réalité est toute différente en vérité et je commence à perdre espoir... Mais pourquoi es-tu souriant, alors que je suis terrassé et te parle de mon malheur ?
― Dois-je pleurer ? « Seigneur, montre-moi les choses telles qu'elles sont ! » Si l'on sait pertinemment que les choses ne sont pas telles qu'elles semblent, pourquoi s'attrister de ceci ou de cela ? Je ne suis pas souriant parce que tu es souffrant, ni parce que je n'aurais cure de ce que tu me dis, mais parce que j'ai ce mot du Prophète sws en tête et que j'essaie, autant que je le puis, de ne pas tomber dans le piège des apparences. Mais qu'importe mon sourire, il est question de toi à présent. Es-tu donc malheureux parce que, en somme, tu es déçu ?
― Oui, et que je suis dans la souffrance alors que j'espérais les célestes jouissances...
― D'accord... Dis-moi, pourquoi t'es-tu engagé dans la voie ?
― Euh... ben...
― Non ! Bannis ces bruits hideux de ta bouche en ma présence. La réflexion silencieuse est préférable à ces sons inutiles et insensés.
― Soit... Je me suis engagé dans la voie parce que, depuis très longtemps, je m'intéressais à la spiritualité et, à un certain moment, il me sembla évident que je devais m'engager sur le chemin de la réalisation pour trouver ce que je cherchais. Aussi me suis-je...
― Que cherchais-tu ?
― Dieu.
― D'accord, je vois... Voilà donc la première erreur.
― Pardon ?
― Vois-tu ce que je tiens à la main ?
― Une sorte de... canne d'apparat je crois. Au fait, pourquoi ? Il me semble que tu peux encore marcher, pourquoi une canne ?
― Elle m'aide un peu à marcher, mais elle sert surtout à donner des coups aux impertinents qui posent trop de questions ! Et puis... c'est aussi un souvenir du sceptre royal.
― Mon Dieu ! Tu es royaliste ?
― Voudrais-tu sentir l'effet que fait cette belle et solide canne ?
― Ah non, merci, je me tais !
― Tu as intérêt... Revenons donc à ma question. Tu as reconnu que j'ai une canne à l'instant même à la main. Que dirais-tu si je me levais de ce pas et me mettais à chercher ma canne ?
― Je penserais que tu as perdu la tête !
― Pourquoi ?
― As-tu perdu la tête vraiment... ?
― Réponds-moi, sinon tu risques de perdre la tienne : ma canne est une épée aussi...
― Tu crains un peu là... Je penserais que tu as perdu la tête parce qu'on ne cherche que ce que l'on a perdu, ce qu'on n'a pas, ce qui n'est pas ou n'est plus là en gros.
― Décidément, la crainte de l'épée te rend plus sensé mon ami, il faudrait que je la sorte et la fasse briller sous tes yeux... Tu es donc d'accord qu'il est totalement insensé de chercher quelque chose qui est là ?
― Entièrement d'accord.
― Fort bien ! Maintenant, éclaire-moi sur cette question je te prie : Si Dieu est « le Premier, le Dernier, l'Apparent l'Invisible », si Dieu est plus proche des hommes que leur « veine jugulaire », et qu'il a animé Adam en lui insufflant « de [son] Esprit », oserais-tu prétendre que Dieu est « absent » et que, par conséquent, l'on devrait le chercher ?
― Je vois... En fait, chercher Dieu, c'est supposer son absence... Mais il y a un problème là : supposer son absence, c'est non seulement contredire la Tradition mais en plus attenter à sa Grandeur, puisque son absence impliquerait sa limitation...
― Tu saisis très bien le problème. Pourquoi donc vouloir « chercher Dieu » ?
― Je ne sais pas... Je ne voyais pas les choses comme cela en fait... Mais si on ne doit pas « chercher Dieu », on cherche quoi ?
― Il semble qu'il y ait un grave malentendu : sur la voie de la réalisation, le principe est non pas de « chercher » quoi que ce soit, mais de PERDRE. La voie, c'est la voie du dépouillement et non de l'engraissement... Ceux qui s'y lancent en « cherchant » quoi que ce soit sont dans une illusion... Cette illusion peut les tourmenter, les perdre ou les rendre fous !
― D'accord... je crois comprendre... et cela me fait penser à certaines paroles de maîtres que j'avais lues... Dépouillement... Forcément s'il faut se dépouiller, il n'est pas question de « recherche »... Si le but est de « perdre », l'on ne doit pas penser à « trouver »...
― Tu parles sagement mon ami, pourrais-tu me prendre pour disciple ?
― Arrête tes plaisanteries, je suis sérieux moi...
― Je me demande si tu as raison de l'être.
― Pardon ?
― Non rien, passons. Vois-tu donc ? Comme tu le dis, puisqu'il est question de perdre, il ne faut pas être dans la recherche, et rien n'est plus risible que la « quête » de Dieu !
― Oui je comprends... S'il ne s'agit pas de trouver, mais de perdre, que faut-il perdre ?
― Tous les compléments possibles et imaginables que tu pourrais fournir à « perdre ».
― Perdre Dieu aussi ?
― J'aime les mots « imperdable » et « inamissible », il est des choses qu'il est impossible de perdre...
― Veux-tu dire qu'on ne peut perdre Dieu ?
― Je n'ai pas parlé de Dieu.
― Mais que veux-tu dire enfin ?
― Perdre tout ce qui peut être perdu.
― Et Dieu...
― Allahu akbar !
― Oui, c'est le takbir, mais... je ne vois pas le rapport.
― Je ne parle pas arabe, pourrais-tu me dire ce qu'il signifie ?
― Dieu est plus grand, ou le plus grand, pourquoi ?
― Dieu pourrait-il donc être comparé à sa création ?
― Tu blasphèmes ! Non, évidemment...
― Qu'est-ce que cela signifie alors ?
― Ben... qu'Il qu'est plus grand... Je ne sais pas...
― « Dieu est plus grand » n'a aucun sens, la formule sacrée indique, comme c'est dit dans d'autres textes, qu'Il est absolument au-delà de tout ce que tu peux concevoir à son sujet.
― Oui voilà, c'est que je voulais dire aussi. Mais pourquoi ce takbir ?
― Peux-tu perdre ce que tu ne peux même pas appréhender avec toute l'habileté de ton imagination, toute la puissance de ta raison et toute l'acuité de ton intelligence, mais qui est cependant plus proche de toi que ta veine jugulaire ?
― Non... Dieu est donc l'Imperdable... Je comprends... Mais qu'est-ce qu'il faut perdre, plus précisément ?
― Peut-être toi-même, avec tout ce que tu penses être...
― Mais encore ?
― Puis-je dénuder la brillante lame de mon épée ?
― Je vois... J'aurais aimé que tu m'en dises plus... Mais passons. Donc, si j'ai bien compris, on ne doit pas s'engager dans la voie pour « trouver » Dieu, ni quoi que ce soit d'autre, mais pour perdre ?
― En effet.
― D'accord... Et que dire de ma souffrance ?
― Approche ton visage s'il te plaît ?
― Vas-tu me gifler ? Avec toi, je peux m'y attendre...
― Que Dieu m'en garde ! Approche ton visage un instant.
― Aïe ! Mais pourquoi tu m'as arraché la barbe ? Espèce de fou, ça fait mal !
― La perte est douloureuse...
― Ah... tu aurais pu me le dire oralement...
― La parole n'est pas le seul moyen d'indiquer les choses.
― Soit... ce n'est pas très aimable de ta part quand même...
― Si tu me croyais « aimable », tu étais dans l'illusion, et il faut la perdre.
― D'accord... Passons. Donc, si je résume, le cheminement consiste à se dépouiller, à perdre et non à trouver et, d'après... ma pauvre barbe, la perte est douloureuse ?
― Il n'y a pas de règle, la perte peut être douloureuse ou non, mais elle provoque en principe quelques fracas intérieurs...
― Ce que je vis est donc normal ?
― Tout est expérience, et toute expérience est « normale », il n'y rien dans la vie qui ne devrait pas être là.
― Même les souffrances ?
― Les choses ne sont point telles qu'elles semblent... Mais oui, même les souffrances !
― D'accord... Ce que je vis est donc « normal »... et les difficultés que j'endure sont les effets du processus de dépouillement ?
― Tu as très bien saisi.
― Que dire des états ?
― T'es-tu engagé dans la voie pour vivre des « états » ?
― Non... mais... enfin je...
― Sois franc, impertinent !
― J'avais lu des choses merveilleuses par rapport aux états, et j'avais parlé à des voyageurs qui me racontaient parfois leurs expériences délicieuses... J'avoue que, en m'engageant dans la voie, j'espérais vivre aussi des états, connaître ces expériences, ces merveilles...
― Fumée !
― Pardon ?
― Je n'ai plus la force de bavarder, mais entends ces quelques mots encore : le cheminement en question est un cheminement unique, en ce sens qu'il n'y a que toi qui le parcours... Chaque être parcours un chemin unique, parce qu'il est lui-même unique, et comme ce chemin lui est propre, il n'a été parcouru par nul autre. Certes, le maître en connaît la tracée globale, mais le chemin n'est parcouru à proprement parler que par le voyageur. Tout cela pour dire que c'est l'inconnu absolu. Tout ce dont tu peux être certain, c'est que c'est le seul chemin qui ne peut causer ta perte ; le reste, c'est l'inconnu, qui sera, si Dieu le veut, l'Un connu.
Cela dit, il faut absolument t'interdire toute comparaison avec ce que tu as pu lire ou entendre quant aux expériences, parce que l'unicité de l'être et celle du chemin qui lui est destiné empêche, de fait, toute comparaison. Quant aux « états », aux « merveilles » etc., ne sont sont que des effets plus ou moins éphémères de l'ascension spirituelle. Il faut les observer simplement, et n'y attacher nulle importance. Ceux qui y prêtent attention peuvent ralentir le cheminement, ou se perdre complètement en étant séduits par ces modestes merveilles... Ne serait-ce pas dommage que le cheminement s'arrête et que l'on finisse simple charlatan, amusant les foules avec tel ou tel « pouvoir », effet d'un échec ?
― D'accord... En résumé donc, je dois oublier l'idée de « trouver Dieu », et considérer les difficultés que j'endure comme les conséquences du dépouillement progressif ? Ne pas faire attention aux expériences ni attendre une quelconque merveille ?
― Mais TU es une merveille ! Quelle autre merveille pourrait-elle rivaliser avec toi ?
― Pardon ?
― Fuis à présent, sinon ma canne te chassera !
― Mais...
― Silence !
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